C'est le Monde à l'Envers. Le Monde actuel à l'envers : l'Afrique est le centre du pouvoir et de la richesse. Ses habitants sont regroupés en vastes mégapoles prospères dont les rues, les Universités et les aéroports portent les noms des célébrités noires.
À Asmara, capitale fédérale des États-Unis d'Afrique, sur cette côte de la mer Rouge enrichie par la Traite des Blancs, vit Docteur Papa avec son épouse, atteinte d'un mal incurable, et Maya leur fille. Celle-ci est une Blanche qu'il a adoptée au temps d'une mission humanitaire dans les terres perdues d'Europe, dans cette Normandie ravagée par les conflits ethniques avec les Bretons, où des vaches maigres côtoient des pommiers squelettiques. En Euramérique, tout n'est que saleté, misère blanche, violence et dictature. Pour échapper à leur malheur, les habitants du Nord tentent de traverser la Méditerranée, nouveaux boat people à la recherche de quelques guinées — la nouvelle monnaie d'or. Les armées du président Nelson Mandela ont fort à faire pour protéger l'Afrique et intervenir pour éviter les massacres ethniques dans le reste du monde.
Maya, l'héroïne, est présentée avec un lyrisme certain par l'auteur djiboutien de langue française (Œuvres publiées surtout au Serpent à Plumes). Jeune femme diplômée et artiste, elle laisse provisoirement son ami, le photographe Adama, pour aller à la recherche de ses racines. Ainsi atterrit-elle dans une cité déchue et rétrécie, peuplée de bidonvilles et de pauvres hères : Paris. De là, elle partira à la recherche de sa vieille maman analphabète dans la pitoyable cambrousse normande. Par charité, elle aidera un lointain parent à aller poursuivre ses études dans une Université financée par l'Afrique, là où l'on forme les élites futures qui coopéreront avec le pouvoir africain. Maya rentrera à Asmara et l'on suppose qu'elle épousera Adama, qu'ils seront heureux et qu'ils n' auront pas beaucoup d'enfants.
Alors que le cadre du récit, en forme d'Utopie, emporte l'adhésion du lecteur avec ses allusions culturelles malicieuses, ses détournements et son "name dropping", le récit en lui-même paraît trop maigrichon. Je pense que le roman aurait gagné en force et en intérêt avec des épisodes plus fournis, plus d'aventures, et plus de suspense.
• Abdourahman A. WABERI : Aux États-Unis d'Afrique - J.C.Lattès, 2006, 232 pages