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On sait que la reconnaissance peut s'entendre doublement, comme une dette que l'on assume d'une part, comme l'identification d'une personne d'autre part, et c'est bien ce qui arrive dans l'étonnant premier roman de Daniel Suraqui, un physicien également connu pour ses travaux en informatique. Dans cette histoire, Nathalie Prévost, une journaliste française en charge de la rubrique économie, se trouve — par une suite de hasards que je me garde de révéler ici — amenée à devenir en quelque sorte l'exécutrice testamentaire d'une aristocrate danoise décédée un demi-siècle plus tôt.

 

Les deux parties romanesques qui mettent en scène Nathalie encadrent l'histoire centrale de Frederika von Söderberg, la comtesse danoise richissime et philanthrope qui est à l'origine de cette histoire surprenante, menée avec un grand sens du suspense.

 

La vie de Frederika a basculé peu de temps avant la Première guerre mondiale. Elle s'est en effet retrouvée privée à quelques jours près des trois personnes qui faisaient le sel de sa vie : son mari le comte Kristian a trouvé la mort dans un accident de la circulation, sa fille Alix a succombé à une pneumonie foudroyante, et Stefan qui avait été à la fois son amant et le dynamique régisseur de leur vaste domaine, a été pendu pour un crime de sang qu'il n'avait pas commis. Devenue veuve et inconsolable, Frederika s'est lancée dans l'action caritative, recueillant sur ses terres du Jutland et de Suède des centaines de réfugiés juifs victimes du nazisme, y compris parmi eux des parents éloignés de Stefan. Traînant toujours avec elle un sentiment de culpabilité pour la mort de son amant, elle prête un jour l'oreille à la confidence d'un maître du spiritisme qui lui susurre que l'âme de Stefan s'est réincarnée en un certain Serge né en 1947. Avant de mourir quatre ans plus tard, Frederika a eu tout le loisir d'organiser une riche donation en forme de mystère, celle-là même dont Nathalie se trouve pouvoir bénéficier en 1997.

 

L'astuce de l'intrigue consiste, après un rêve étrange, à faire venir notre journaliste à Copenhague pour une conférence monétaire européenne, puis l'amener par le biais d'une escapade touristique à trouver dans un kiosque abandonné en bord de la mer du Nord une sorte de trésor caché qui l'amène à contacter des banquiers de la capitale scandinave et ainsi connaître la proposition généreuse de la défunte Frederika. Chercher un certain Serge donc, sans doute juif, né en 1947, pour le sauver d'une situation périlleuse — et ainsi compenser l'impuissance ancienne de la comtesse face au destin funeste de Stefan, telle est la proposition faite à la journaliste parisienne. Après avoir écarté la voie du spiritisme pour des solutions plus rationnelles, de quelle sorte de personnage Nathalie va-t-elle faire la connaissance ?

 

L'auteur fait le choix heureux d'éviter le mélo, les longues jérémiades, qu'auraient pu nous valoir les tragédies que l'on croise au fil de ce roman. En modérant les développements psychologiques, il choisit de donner priorité à une attitude optimiste pour ses personnages, qu'il s'agisse du comte et de la comtesse von Söderberg, soucieux de moderniser l'agriculture et de sauver des vies, comme des véritables entrepreneurs que sont Stefan et son sosie Serge. Le premier est issu du milieu rabbinique d'Europe centrale et s'est émancipé par le commerce du bois et par l'agronomie. Le second a cru, en prophète, aux possibilités des nouvelles technologies, jusqu'au succès. Mais pour Nathalie, pourra-t-on parler aussi de success story ?

 

 

Daniel C. Suraqui : La Reconnaissance. - Diffusé par Amazon, 2002, 267 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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