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Deux frères dominicains, Antonin et Robert, cheminent vers Toulouse... et Antoine Sénanque immerge le lecteur dans une foisonnante fresque historique au XIVème siècle. L’intrigue prend des allures de roman policier...

 

En 1367, sentant sa fin prochaine, Guillaume, prieur du monastère de Verfeil décide d’écrire ses souvenirs, ultimes « croix de cendre ». Malvoyant de naissance il les dictera à Antonin, jeune frère fils de médecin. Il le charge d’aller chercher dans la ville rose les encres noires et le vélin, parchemin onéreux mais « pour ce que je dois écrire il me faut du cuir » confie-t-il au frère. Or le grand inquisiteur du Languedoc, qui ambitionne le cardinalat, craint que Guillaume ne révèle certains secrets. Il fait alors arrêter Robert au prétexte « d’avoir roué de coups un de nos frères franciscains » : moyen de chantage sur le prieur. Antonin revient seul à Verfeil. Tout est mis en œuvre pour libérer Robert. L’inquisiteur sera-t-il cardinal ? Rien n’est moins sûr par ces temps troublés où l’Église n’échappe pas à la corruption ni l’Inquisition aux excès.

 

Guillaume revoit ses belles années au côté de son mentor, maître Eckhart qui « faisait trembler les plus hautes autorités de l’ordre ».  Ce théologien prêchait le détachement de tout comme de soi-même : laissant ainsi la place à Dieu dans son âme, l’homme devient Dieu. Sa pensée influençait beaucoup les béguines comme Mathilde dont le poème du « long désir » ouvre le roman. L’Église lui fit  un procès pour hérésie. L’épidémie de peste de 1348 noircit bien des pages : elle aurait touché l’Europe non par l’intermédiaire des navires marchands mais d’un groupe de dominicains ce qui ne fit qu’envenimer les relations déjà tendues avec les franciscains... à moins qu’elle n’ait été propagée par un seul homme... Guillaume y avait survécu au retour d’une mission à Kaffa, en Crimée.

 

Le doute étreint parfois ces religieux comme Antonin après l’arrestation de Robert ou Guillaume qui « cent fois avait douté de Dieu... » mais « Il fallait renoncer à combattre les doutes de sa foi ». Dans ces moments, l’amitié fraternelle les réconforte, qui unit Guillaume à son sacristain, Antonin à Robert.

 

Sénanque sait captiver son lecteur, le dépayser et l’émouvoir à tel point que l’on referme le livre à regret.

 

• Antoine Sénanque : Croix de cendre. Grasset, 2023, 426 pages.

 

Chroniqué par Kate

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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