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On connaît la formule de Nizan dans Aden, Arabie : « J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. » Voilà justement des personnages de roman qui ont juste la vingtaine. Et effectivement, ce n'est pas le plus bel âge pour chacun.

 

La Conspiration, sans être à proprement parler un classique, fait partie des œuvres marquantes du premier XXe siècle des lettres françaises. À cela plusieurs raisons, dont pour commencer le style : une écriture élégante mais simple, pour un subtil roman de formation. Pour le dire vite, ces jeunes bourgeois s'ennuient après les cours, et la Guerre de 1914 est déjà loin derrière eux.


« Cette année-là, Laforgue, Rosenthal et Bloyé préparaient à Louis-le-Grand l'École normale. Le lycée était une espèce de grande caserne de briques pâles avec des cadrans solaires à inscriptions dorées, où des garçons de dix-neuf ans ne pouvaient apprendre grand-chose sur le monde à force de vivre parmi les Grecs, les Romains, les philosophes chrétiens idéalistes et les doctrinaires de la Monarchie de Juillet : ils étaient cependant à gauche, comme on dit. » (Folio, page 46).

 

Parisiens ou provinciaux, ils ont préparé l'École normale supérieure (comme Paul Nizan lui-même), et en ces temps d'avant la démocratisation de l'enseignement, ils sont devenus normaliens, tandis que seul l'un des leurs s'inscrit en Sorbonne. Fils de banquier, juif, critique discret du pouvoir bourgeois, Bernard Rosenthal le leader du groupe est l'ami de Philippe Laforgue, fils d'industriel alsacien; ils ont ébloui Jurien, Antoine Bloyé (à qui Nizan a consacré un autre roman), et Serge Pluvinage, un fils de petit fonctionnaire. Après avoir fondé une revue d'avant-garde, Rosenthal le manipulateur joue à entraîner ses amis vers la révolution et le communisme — d'où le titre — mais l'été venu il se contente de séduire sa jeune belle-sœur et — le scandale ayant éclaté mais uniquement au sein de la famille — se suicide.

 

C'est précisément en cet été 1929, le 1er août, que le gouvernement Briand fait arrêter des dizaines de dirigeants du PCF. Rafle faite, il en manque un : le nommé Carré, que justement Serge Pluvinage avait aperçu dans la maison de l'écrivain Régnier, l'intellectuel vénéré par le groupe, où il se cachait. Par vengeance, Pluvinage en informe le commissaire Massart qui est l'amant de sa mère et l'incite à entrer dans son administration. Ce n'est pas glorieux, mais Pluvinage le modeste, depuis des mois, s'est senti méprisé et mis à l'écart des ambitieux projets de Rosenthal, ce grand bourgeois qui s'habillait sur mesure chez les tailleurs des quartiers chics.

 

Au final, un roman gentiment désuet sur l'entrée dans l'âge adulte des fils de la bourgeoisie française dans l'entre-deux guerres.

 

 

Paul Nizan : La Conspiration. Gallimard, 1938. - Folio, 1973, 307 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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