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Les phrases jaillissent avec vigueur sous la plume de Maryse Condé, conteuse à l’imagination foisonnante, auteure engagée contre toutes les formes de racisme, qui rêve du village global multiracial... Dans ce roman dont le titre est emprunté au sculpteur guadeloupéen Michel Rovélas, Rosélie Thibaudin, jeune peintre mal aimée de ses proches a quitté sa Guadeloupe natale pour la France avant de suivre en Afrique du Sud un premier amant jamaïcain qui l’a abandonnée.

 

Elle s’est alors amourachée d’un Anglais, Stephen, spécialiste de Keats, qu'elle a suivi aux USA, au Japon puis au Cap. Ce furent vingt années du plus parfait amour selon Rosélie, jusqu’à ce que Stephen soit assassiné une nuit dans la rue. Elle a alors la cinquantaine mais reste aussi fragile qu’une adolescente, toujours fondue dans l’amour de l’autre adoré... et incapable de quitter Le Cap : « Mon seul pays c’était Stephen. Là où il reste je reste ». Ce personnage sans aucune force de caractère, sans capacité de résister, permet aisément à Maryse Condé de dénoncer le racisme « plus mortel que le sida » selon Manuel, un bon copain. Cafre, elle trahit la race aux yeux des noirs. Lisa et Richard, leurs amis blancs, sont « incapables de se comporter avec Rosélie comme avec un autre être humain ».

 

Outre les difficiles relations interraciales, l’auteur révèle la situation très problématique des couples mixtes. Son ami Anthony, la voyant avec Stephen, ne peut que s’exclamer : « Qu’est ce que tu fous avec ce blanc ? ». Par ailleurs aux yeux des noirs, « les métis ne sont-ils pas l’abomination des abominations » ? Maryse Condé ne manque pas d’évoquer la société multiculturelle d’Afrique du Sud encore très traumatisée par l’apartheid : « le pouvoir avait beau se gargariser de discours ; devoir de pardon, nécessité de vivre ensemble,Vérité et Réconciliation ; il n’y avait dans ce bout de terre que des tensions, de la haine, le désir de vengeance ». Comme le prédit Simone, une amie de Rosélie, « les blancs se jetteront sur les noirs, les noirs sur les blancs ». Mais peu à peu Rosélie réussit à s’adonner enfin à sa passion de jeunesse, la peinture : avant le « devant jour », l’invisible woman, pinceau à la main, devient la « Femme cannibale » titre de sa première toile de renaissance.

 

Cette autofiction permet à Maryse Condé d’aborder la question des problématiques identitaires, et en particulier celle de l’identité culturelle de l’écrivain post-colonial : il ne peut que s’enrichir de l’autre mais on l’accuse de cannibalisme culturel. En bonne féministe, l’auteur vitupère aussi contre la condition faite aux femmes, surtout de couleur....

Autant de sujets riches d’humanité. Mais le roman-collage induit des ruptures de la logique narrative et multiplie les personnages sans pour autant enrichir les thèmes abordés. Il s’en suit des récurrences thématiques qui, jointes à l’effet tourbillon spatio-temporel, entravent le plaisir de lecture. L’immersion sans mesure du lecteur manque parfois son objectif...

 

Maryse Condé. Histoire de la femme cannibale. Mercure de France, 2003. 351 pages dans l'édition Folio.

 

Chroniqué par Kate

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE, #ANTILLES - CARAIBES
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