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Ce roman terriblement... expérimental de l'écrivain autrichien date de 1967 dix ans après le surgissement de l'étiquette “Nouveau Roman” dans la presse française. Il est indéniable que l'auteur autrichien s'en est inspiré. Dix ans après “La Jalousie ” de Robbe-Grillet, il se rencontre même ici, à des fenêtres, des jalousies abaissées ou relevées à contre-temps ce qui serait plus vrai encore de stores vénitiens ! N'importe : c'est l'histoire d'un colporteur à ce qu'il paraît. Et d'un ou deux meurtres. « Un colporteur auprès d'un mort est suspect a priori ». Réalité, ou théâtre, ou jeu ? Drame de la fatalité ? Comprenne qui pourra.

Que vient donc faire un colporteur dans cette histoire ? Avec ses godasses dépareillées au bout relevé, son grand manteau, son espèce de valise, il a tout aussi bien l'air d'un clown ou d'un clochard que d'un colporteur (en allemand : der Hausierer ) - d'ailleurs on ne parle jamais de ce qu'il aurait à vendre.

L'action ne semble pas se dérouler dans un lieu précis : on est sur le trottoir, le long duquel stationne un véhicule au coffre ouvert, ou dans un bar ou une chambre ou dans une pièce où une femme fait du repassage. Mais en même temps il semble y avoir eu un meurtre. Une poursuite. Une sorte d'arrestation et de passage à tabac. Un autre meurtre s'ensuit, peut-être bien d'une femme. Il est aussi possible que le colporteur soit coupable. Impossible de certifier que la victime a été tuée par balle, d'un coup de couteau ou étranglée avec les fils du téléphone. Les affirmations sont trop flottantes, contradictoires, absurdes. Tout donne l'impression d'images intermittentes, trop vite interrompues, d'un récit haché comme par un effet stroboscopique ou fait penser à un tableau de peintre futuriste comme Umberto Boccioni.

Chaque chapitre est d'abord en italique, écrit de manière théorique, comme s'il s'agissait d'un manuel d'écriture de roman policier, puis, en phrases courtes à la syntaxe monotone, formant plus longuement des éléments de récits, incomplets, incohérents, inadaptés. On sent le protocole rigoureux. On hésite entre l'erreur de jeunesse et la provocation laborieuse. Mais une chose est sûre : c'est très original. Pour terminer voici une phrase que j'aime bien : « L'humanité du meurtrier s'exprimait dans ses fautes d'orthographe » — d'autant que personne n'écrit rien dans cette histoire...

Peter Handke. Le Colporteur. Traduit par Gabrielle Wittkop-Ménardeau. Gallimard, 1969, 185 pages. (Paru en Folio en 1993).

 

Tag(s) : #LITTERATURE ALLEMANDE, #AUTRICHE
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