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Ce livre paraît alors que Pierre Nora vient de mettre fin à la revue Le Débat. Quoique dise l'auteur dans son prologue, il s'agit bien ici de mémoires portant sur une partie de sa vie comme le titre l'indique. Peut-être aurait-il préféré l'expression « roman d'apprentissage » si elle n'avait renvoyé à une époque révolue alors qu'il s'est fait historien du contemporain voire du temps présent.

 

Pour cet homme né en 1932, l'expérience des années de guerre a compté lourd. La route de l'exode en 1940 s'est arrêtée à Hendaye et la famille — moins le père resté exercer comme urologue à l'hôpital Rothschild — s'est retrouvée dans le Vercors où les aînés des enfants Nora se sont exercés à la résistance et où tous ont échappé de peu à l'arrestation car ils étaient recherchés par les nazis en tant que juifs.

 

Cet épisode conduit l'auteur à évoquer ses racines juives, lui le non-pratiquant qui a refusé de faire sa Bar Mitzvah, et ses relations au sein de cette minorité de juifs, pleinement intégrés à la France républicaine à l'instar de Pierre Vidal-Naquet. Il s'ensuit une brève analyse du rôle des intellectuels juifs dans la France de l'après-guerre notamment puis de ceux qu'il appelle la génération de 68.

 

Ce volume est également consacré à la présentation de la famille au sens large. Sous l'Ancien Régime, un ancêtre Aron a retourné son nom pour créer le patronyme Nora. Son lointain descendant écrit des pages particulièrement fortes sur le père médecin, sur la mère plus effacée, sur le frère aîné Simon, proche de Mendès-France, et qui s'est rendu célèbre par un fameux rapport visionnaire dans les années 1970. Si le frère aîné a fondé Le Point, lui a écrit des articles pour L'Observateur.

 

Surtout Pierre Nora s'étend sur les origines de sa carrière d'historien non-universitaire. Parce qu'il a raté le concours de l'Ecole Normale, — qu'il ne regrette pas — et qu'il a choisi de se présenter à l'agrégation d'histoire alors qu'il s'intéressait d'abord à la littérature, il est devenu enseignant, d'abord brièvement à Oran — ce qui lui servit à écrire un ouvrage sur les Français d'Algérie —, puis à Science Po, et plus tard chercheur à l'EHESS, et académicien... Toute une carrière qui devrait justifier une suite à ces mémoires. Si on aperçoit la carrière du journaliste, le chantier des Lieux de mémoire est ici à peine évoqué, par anticipation.

 

Dans ce volume, Nora rapporte comment il a été influencé par les historiens de l'Ecole des Annales, principalement Fernand Braudel et son “temps long”. On croise parmi ses amis et relations Emmanuel Leroy-Ladurie aussi bien que François Furet qui fut son beau-frère. J'ai noté comme hautement intéressant le chapitre sur Les années charnières quand Pierre Nora se retrouve chez Julliard pour lancer la collection Archives qui fut tellement innovante dans les années 1970-80. Puis Pierre Nora a pris en charge le développement du rayon sciences humaines chez Gallimard. Les travaux des historiens de cette époque ont été hautement novateurs et appréciés au-delà de nos frontières.

 

Ce ligne de souvenirs n'est cependant pas réservé aux seuls historiens et sa lecture est un plaisir intellectuel.

 

Pierre Nora : Jeunesse. Gallimard, 2021, 233 pages.

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE, #HISTOIRE 1900 - 2000
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