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Du « coriace ancêtre » Armand Lachalme à son petit neveu Antoine, de Figeac à Paris puis Los Angeles, ce n'est pas tant la saga familiale qui captive le lecteur que la construction romanesque. L'oeil de ce cyclone romanesque c'est André, le fils de Gabrielle, né d'un père absent, Paul.

M.-H. Lafon bouscule les temporalités ; elle a conçu chaque chapitre comme un tableau, un arrêt sur image. Cette structure narrative, en transformant le lecteur en enquêteur, donne sa dynamique au récit. Comme d'ordinaire chez l'auteure « chaque mot rend tout son jus » comme elle aime à dire. Ces mots charnus restituent l'épaisseur du terroir du Cantal ; le temps s'étire sur un siècle, les deux guerres mondiales impactent la famille et l'espace prend une dimension internationale.

 

Dans le haut pays, « pentu, bourru », au domaine de Chanterelle, les Lachalme , gens aisés propriétaires de l'hôtel du bourg voisin, sont hommes d'endurance, « tenaces et opiniâtres ». Né en 1903, Paul se destine au droit ; Georges, son cadet, sera médecin. Elève de Terminale au lycée d'Aurillac, Paul rencontre l'infirmière, Gabrielle Léoty, « pouliche rétive » qui scandalise le pays. De seize ans son aînée elle déniaise l'adolescent et le suit à Paris. Tombée enceinte elle débarque à Figeac confier l'enfant à sa sœur Hélène et son beau-frère Léon. « C'est un accident mais ça vous fera un fils et un frère pour mes nièces » leur déclare-t-elle. Ce fils né en 1924 c'est André, « l'enfant dans le dos d'Hélène et de Léon », « chéri et choyé », qui fait le bonheur de tous. « L'Histoire du fils » c'est celle de ce garçon en manque de père, même s'il est heureux avec ses cousines et les visites de sa mère aux vacances. Mais elle se tait quant à ce père dont la place reste « vide, vacante, vertigineuse ». Le poids de silence et de secret dévore André de « père inconnu et de mère à double fond ». S'ajoute à sa souffrance le drame étouffé de cet oncle Armand, le jumeau de son père, « supplicié » à quatre ans, ébouillanté par une servante....

 

André passe dès lors « sa vie entière à flairer les traces du père », plus encore lorsque son épouse, Juliette, apprend de Gabrielle que Paul est avocat à Paris. Laissant à Figeac leur fils Antoine, tous deux montent à la capitale et épient devant le bel immeuble de Maître Paul Lachalme sans jamais l'apercevoir. André décédera en 2008 avec pour seuls indices deux photos à la ressemblance flagrante, celle de Paul au lycée et celle d'André en 1941.

 

Marie-Hélène Lafon révèle sans pathos le manque essentiel du père qui creuse ses galeries dans le cœur du fils. Antoine ne verra pas mourir son père ; entre deux avions il viendra en saluer la tombe et tentera de reconstruire la généalogie familiale, toute de silences et de mystère.

 

On ne sort pas indemne de ce nouveau roman de M.-H Lafon. Comme à son habitude elle entraîne son lecteur dans l'épaisseur du réel grâce à sa langue, son lexique, ses tournures anciennes. Elle « fait bonne façon et connaît manières » et nous offre un délice d'authentique littérature.

 

• Marie-Hélène LAFON. ­- Histoire du fils. - Buchet-Chastel, 2020, 170 pages.

Chroniqué par Kate

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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