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Ortse-iguana.jpgEst-ce en lisant Vila-Matas ? Ou n'est-ce pas plutôt en lisant Laurence Cossé ("Au bon roman") que je suis tombé sur la mention de cette "iguane" et sur le nom d'Anna Maria Ortese ? Toujours est-il que j'ignorais cette auteure née à Rome en 1914 et décédée en 1998, une romancière bien connue en Italie et dont les éditions Gallimard ont publié plusieurs ouvrages, les autres étant au catalogue d'Actes Sud et de Verdier.

 

Dans ce roman, un héritier de l'aristocratie milanaise, le comte Aleardo, Daddo pour les intimes, part pour une croisière destinée à choisir des lieux où construire des villas de rêve pour ses plus riches compatriotes. Ceci l'amène à ancrer son yacht sur une île au large du Portugal, Ocaña, une île imaginaire bien sûr.

 

À partir du moment où il met pied à terre pour y vivre deux journées — la seconde étant apparemment tragique — la réalité tend à basculer dans un monde onirique, un "réalisme magique" si vous voulez, où se rencontre une iguane toute verte habillée en femme, qui parle un langage humain et dont le comte devient instantanément amoureux. Cette Estrellita est une esclave au service de trois aristocrates désargentés, rejetons de la lignée des Segovia ; l'un d'eux, le marquis Ilario, au visage tantôt vieux tantôt jeune, a jadis aimé cette femme-serpent avant de la rejeter comme incarnation du Mal. Désormais il écrit des ouvrages poétiques susceptibles selon Daddo d'être mis au catalogue des éditions de son ami Adelchi, vivement intéressé par des textes un peu fous. Mais bientôt débarquent sur Ocaña la famille Hopins venue d'Amérique, pour mariage et investissement, et un archevêque venu d'un diocèse sud-américain, aux projets immobiliers concurrents.

« Don Fidenzio Aureliano Bosio (…) n'était pas inconnu au doux Aleardo. Cet  homme satisfait et courtois, infiniment rose, rouge, vert et doré à cause d'une merveilleuse étole qui lui recouvrait les épaules, était le pupille, rien que ça, de cette même aïeule maternelle dont la maison à Bellagio avait abrité l'enfance du comte. Et elle, l'Aïeule, une fois découverts d'abord le charme de sa voix, et ensuite sa pauvreté (Fidenzio vivait dans une métairie avec une douzaine de frères et sœurs, et aucun avenir de s'offrait à lui), elle l'avait adopté, avec la violence typique que les Lombards mettent dans leurs œuvres de bienfaisance, destinant aux dépenses de ses études une partie non négligeable du vocable : charité.»

 

La critique du pouvoir de l'argent lombard est un des thèmes que l'on discerne dans ce roman qui tient davantage du merveilleux des contes du XVIIIe siècle que de l'essai philosophique sur le Bien et le Mal, sur le paradis et l'enfer. Ce thème est en compétition avec celui de l'amour puisqu'Ilario avait été heureux avec Perdita et que Daddo rêve de partager son sort avec Estrellita. Néanmoins tout n'est pas si clair : malgré le style très travaillé de l'auteure, on se perd dans les riches méandres imaginaires du récit et même si je le voulais je serais incapable de détailler rationnellement les dernières étapes de l'histoire. Certains peuvent s'en délecter. D'autres, moins.

 

• Anna Maria ORTESE  -  L'Iguane 

Traduit par Jean-Noël Schifano - Gallimard, 1988, 197 pages, [Adelphi, Milano, 1965].

=> Reparution dans la collection l'Imaginaire en 2020.

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE ITALIENNE
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