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Entre histoire d’amour et roman policier, M. Quint imagine, à Roubaix, la réconciliation des émigrés algériens, anciens militants du F.L.N. ou du M.N.A., dans l’espace convivial d’une vieille librairie. Il sait surprendre son lecteur, après un incipit digne de Balzac, en jouant de tous les niveaux de langue pour rendre à chacun son parler, sans jamais tomber dans la vulgarité.

Lui c’est  « le bougnoule blond », Abdel Duponchelle, « une perche à houblon », « l’être le plus méprisable de notre société, un prof de lettres ». Ce jeune agrégé se retrouve légataire universel d’Yvonne, la dernière propriétaire de la librairie. Son inconscient le pousse à accepter cet héritage : « Apaise le temps » !, car qui mieux qu’un maître des mots peut raccommoder les vieilles blessures ? Elles, ce sont ses fées enjôleuses ; Zita, « une quetsche dodue », la dernière employée d’Yvonne ; et Rosa, l’assistante sociale du lycée qui ne rencontre que des « damnés, des élèves résignés d’avance ». Sans oublier Saïd, le kabyle simplet, tout de haine envers les traîtres harkis, qui note dans ses cahiers les mots nouveaux depuis que Georges, le père d’Yvonne, lui a jadis appris à lire et à écrire.

Dans le « capharnaüm » de la librairie, de vieilles photos en coupures de presse, émergent les preuves des règlements de comptes entre militants des divers groupes indépendantistes. Il apparaît que dans « cette guerre fratricide pour la possession d’un sol idéalisé par la distance », tous avaient du sang sur les mains : « la barbarie, la torture, l’inhumanité, tous les camps y ont eu recours... Pas de manichéisme » réplique Abdel à Saïd. Rosa Alfieri découvre que son père, membre de l’O.A.S., fut l’amant d’Yvonne dont il fit exécuter le père, partisan de l’indépendance et participa à « la nuit bleue » en janvier 1962 à Paris au cours de laquelle éclatèrent des attentats contre des commerçants algériens...

À Roubaix, Yvonne accueillait « les laissés pour compte de l’industrie saccagée et de l’immigration », dans le quartier multiethnique de cette ville dévastée où l’illettrisme prive encore aujourd’hui les jeunes d’avenir.

Un beau projet prend corps, celui d’une librairie associative où tous viendraient se raconter... « Et dans ces histoires il n’y aurait peut-être plus de traîtres, plus d’assassins, plus de victimes, rien que des êtres humains qui se débrouillent avec la vie ».

C’est un beau roman humaniste, un beau rêve à réaliser, illuminé par la sagesse de Térence : « Rien de ce qui est humain ne m’est étranger ».

 

• Michel Quint. Apaise le temps. Phébus, 2016, 108 pages.

 

Chroniqué par Kate

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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