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Iegor Gran est un dynamiteur de consensus, un casseur de bien-pensance comme les ONG en ont déjà Iegor-Gran.jpegété les victimes dans un précédent livre couronné par le prix de l'humour noir. Ici, la cible principale du stylo d'Iegor Gran est le D.D. — le Développement Durable, ses icones et ses fidèles.

• Dans cette nouvelle religion du Salut, le rôle de l'Évangile est tenu par le film "Home" de Yann Arthus-Bertrand. Les autres évangélistes se nomment Al Gore, le prince Charles, et Nicolas Hulot "aux accents christiques". Les bons apôtres du Giec publient régulièrement leur lettre pastorale entre les conciles de Kyoto et de Copenhague. Le dieu suprême est la Terre, Gaïa si vous préférez, et le mal est représenté par le R.C., le Réchauffement Climatique, un enfer où nous brûlerons à l'heure de l'Apocalypse. Au quotidien le culte consiste à "faire un geste pour la planète" comme bien tasser ses cartons dans la poubelle jaune dans la cour en bas de l'immeuble, sinon on devient "rouge de honte" sous le regard de "la voisine savourant son pouvoir". Lors des pèlerinages saisonniers des bobos, les Indulgences sont versées sous l'appellation de "compensation carbone" pour effacer les tonnes de C02 du vol jusqu'aux Maldives que la submersion menace, car il faut "voyager responsable".

• Comme toute religion, celle-ci a son hérésie et ses mécréants. Iegor Gran le rebelle tente de mettre en doute la foi nouvelle à grands renforts d'arguments — de mauvaise foi au besoin. Il va piocher dans des évangiles apocryphes ses tentatives pour discréditer le Giec. Comme dans les publications savantes de littérature patristique, une kyrielle de notes en bas de pages multiplie les références en un moderne apparat critique. Iegor Gran ne ménage pas ses efforts pour contrer le dogme du réchauffement climatique en jouant sur les probabilités et en comptant sur la blogosphère !

« La minorité a un porte-voix. C'est la blogosphère, où  chaque opinion contestataire est reprise par une floraison de tordus de tous poils, de toutes obédiences, allant des milieux conservateurs américains, qui voient dans l'obsession écolo un syndrome gauchiste à extirper, au scientifique du dimanche qui bidouille des modèles climatiques sur son ordinateur, en passant par le libertaire lassé du discours politique monocorde.»

• Au fil du texte d'autres cibles apparaissent sous la plume du provocateur. Il n'en finit pas de s'indigner (lui aussi…) : contre l'industrie du luxe, les grandes surfaces, Greenpeace, le président Chavez, le papier recyclé et les auteurs qui l'utilisent. J'ai vérifié : ce volume édité par P.O.L. n'est effectivement pas imprimé "sur papier fabriqué à partir de bois provenant de forêts gérées durablement" comme on dit à la fin des ouvrages de la collection "Babel" d'Actes Sud où je viens de lire DeLillo.

• Peut-on rire de tout ? Pour Iegor Gran la réponse est oui, oui et encore oui. Mais dans ce subtil jeu de boomerang c'est l'auteur lui-même qui risque le plus. Sa posture de jusqu'auboutiste risque de lasser, même s'il fait le malin en saupoudrant son venin d'auto-fiction. Peut-être ne voit-il pas que celle-ci a cessé d'être à la mode ? À persister dans l'hétérodoxie climatique, il risque fortement de rompre avec ses meilleurs amis. Et ses voisins pourraient le regarder définitivement comme un pauv'type. Ah ! qu'il est doux de suivre le troupeau... Souhaitons néanmoins à Iegor Gran d'être un auteur durable.

Iegor GRAN  -  L'écologie en bas de chez moi. - P.O.L., 2011, 188 pages.

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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