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San José : une bourgade comme les autres en Colombie. Avant de devenir un enfer, c'était un endroit paisible. Le roman s'ouvre d'ailleurs sur une scène souriante : Rosero-Armees.jpegIsmaël, professeur retraité, fait mine de cueillir ses oranges histoire de reluquer Geraldina, sa jolie voisine qui bronze toute nue dans le jardin d'à-côté, au bord de sa piscine. Ismaël est le narrateur de ce bref roman qui décrit toute la société locale, à commencer par sa femme Otilia et ses amies. En continuant par le vendeur d'empenadas, le vieux rebouteux, le curé qui a femme et fille, le maire, le médecin de l'hôpital, etc.

• Or, cette petite société pittoresque va sombrer dans le chaos. D'abord, des enlèvements. Pour la deuxième année consécutive, Hortensia Galindo réunit ses amies en mémoire de son mari Marcos Saldarriaga. Enlevé ou parti avec sa maîtresse Gloria Dorado ? Le doute persiste jusqu'à ce que Gloria se présente à cette réunion pour lire la lettre qu'elle avait reçue : «…Que cette lettre soit lue publiquement afin que tout le monde sache la vérité : on veut me tuer, autant ceux qui me retiennent prisonnier que ceux qui disent vouloir me libérer…» Mais cette affaire douteuse disparaît rapidement derrière la multiplication des assassinats et des actions guerrières. Les hommes de la guérilla, les paramilitaires, les narcotrafiquants, les soldats du capitaine Barrio, tous se mêlent à la partie pour faire de San José un enfer andin. Ismaël voit disparaître ou mourir, un à un, ses compatriotes. La guerre déboule jusque dans son quartier. Son Otilia chérie disparaît. Maître Claudino, le vieux rebouteux est décapité. Le capitaine Barrio devient fou et tire sur les civils. Le médecin de l'hôpital est assassiné dans le frigo où il s'est caché. C'est l'horreur. Et toujours pas d'Otilia. Peu à peu les habitants apeurés quitteront la bourgade pour se réfugier à Bogota, mais Ismaël persistera dans son refus de l'exil. Pour attendre Otilia, jusqu'à la mort s'il le faut.

• L'écriture montre habilement la montée des périls : à chaque assaut de la soldatesque Ismaël va un peu plus mal. Lui qui grimpait si lestement à l'échelle souffre bientôt du genou, puis commence à perdre le contrôle de son corps, enfin sa mémoire et sa raison le trahissent. Comme d'autres ouvrages colombiens, ce roman nous immerge dans la tragédie quotidienne ; celui-ci le fait en commençant par sourire, et sans se laisser aller à des descriptions complaisantes d'horreurs sanglantes. Sans non plus éclairer la genèse de ces drames, sur les origines de la "violencia" qui a saisi ce pays depuis des décennies. Cette chronique fataliste est finalement une sorte de bijou. Son dernier roman "La carroza de Bolivar" paru chez Tusquets en 2012 semblerait confirmer le talent de l'auteur. Puisse-t-il être rapidement traduit en français!

Evelio ROSERO  -  Les Armées. (Los Ejércitos) - Traduit par François Gaudry. Métailié, 2008, 155 pages.

 

Tag(s) : #AMERIQUE LATINE, #COLOMBIE
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