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Edvard Munch (prononcez "mounk" !) n'étant connu dans l'hexagone que par le fameux "Cri" (1893), l'exposition que lui consacre la Pinacothèque de Paris était une nécessité et l'on s'étonne que le public français n'ait pas déjà rencontré le célèbre peintre norvégien. En fait, il n'y a peut-être pas tant à s'étonner si l'on considère que sa production picturale et lithographique est radicalement à part, en rupture avec les courants et les écoles de son temps.

On oubliera une brève influence impressionniste au début de son parcours pour constater que passé 1890 Edvard Munch peint et dessine à contre-courant. La phrase de Nietzsche « Dieu est mort, c'est nous qui l'avons tué » paraît bien plus décisive pour aborder le climat de ces œuvres que les comparaisons avec des maîtres qui étaient ses précurseurs ou ses contemporains. S'il semble travailler dans un autre univers que les impressionnistes s'activant "sur le motif", c'est par contre l'expressionnisme allemand qui semble le mieux faire partie de la descendance de la plupart de ces 175 œuvres produites de 1880 à 1938. Son art se construit en effet de sensations, d'amour et plus encore de peur, de maladie, d'anxiété, d'angoisse, de jalousie, de souffrance, de morbidité, — bref : neurasthénie pour le moins et peut-être bien folie... « Suis-je en enfer ? » se demande-t-il.

 

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La Vampire (1895) ou Amour et peine.

 

Aussitôt dans l'exposition, le visiteur remarquera d'abord le grand nombre de gravures sur bois et de lithographies, parfois rehaussées d'une ou deux couleurs comme dans cette Vampire de 1895. Dans ces œuvres la technique de Munch passe par des rayures, des stries rageuses, une violence qui se manifeste une grande partie de sa production. Mais c'est aussi le thème de l'étreinte, du baiser, que l'on retrouvera à plusieurs reprises.

L'exposition présente plusieurs versions de ce thème, la relation amoureuse, depuis le baiser jusqu'à la séparation tragique, la difficulté de communication entre l'homme et la femme. Un homme, une femme, et pourtant deux solitudes.

 

Les Solitaires.png

Les Solitaires (1899)

 

La relation amoureuse finit pitoyablement pour l'homme. La femme semble triompher à tous les âges. Jeune, vierge, indifférente, voire méprisante à droite. Mûre, nue, provocante, dominatrice au centre. Plus âgée à gauche mais toujours sûre d'elle.

 
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Les trois âges de la femme (1899).


Son horizon personnel est en effet parsemé de drames en rapport avec les femmes de sa vie Sa mère et sa sœur Sophie moururent de tuberculose quand il n'avait respectivement que cinq et quinze ans. Plus tard, il vécut une liaison agitée avec Tulla Larsen représentée en femme vampire dans plusieurs dessins et tableaux — il ne voulait pas l'épouser et elle le poursuivit à travers l'Europe. L'aventure cessa en 1902 dans une bagarre qui lui fit perdre le majeur de la main gauche… L'amour se terminait dans un bain de sang. Trois ans plus tard, Munch peignit son "Autoportrait avec Tulla Larsen" puis le coupa en deux ! L'alcool devint un refuge — au point de devoir passer presque toute l'année 1908 dans un hôpital psychiatrique de Copenhague.

 

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Jalousie II (1896).

Voici un homme atterré, au regard figé : la Nouvelle Eve se pavane devant l'arbre de la tentation, son corps offert à un inconnu, ou à un rival. On est aussi amené à voir chez Munch le leitmotiv de la femme fatale, particulièrement dans la série intitulée "Madonna".

 

Madonna (1894-5).

 

Il existe plusieurs versions différemment colorée en lithographie ou en peinture, de cette "madone" qui n'a rien d'une vierge. Sur celle-ci on remarquera le foetus dans le coin du tableau et dans le cadre brun-rouge une série de spermatozoïdes. La vie sexuelle d'Edvard Munch n'est pas une histoire calme… Il ne se maria pas et n'eut pas d'enfants.

 

Une disposition en biais qui évoque celle du "Cri" avec des personnages le long d'une balustrade. On remarque ici encore les stries puissantes typiques de sa technique qu'il s'agisse de  lithographie ou de gravure sur bois.

 

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Les Filles sur le pont (1918).
 

Comme la peinture de Munch est différente de celle de son grand contemporain qui lui aussi a aimé peindre des femmes, je veux parler d'Auguste Renoir, chez qui tout est douceur, rondeur...! Ici, la violence règne, traduite par de violents coups de brosse.

 

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Nu pleurant (1914-1919)

 

A la veille de la Guerre de 14, la renommée lui arrive enfin : l'exposition de la Pinacothèque se termine sur ce tournant de la Première Guerre mondiale. En 1916 il achète une maison dite "Ekely" dans les environs d'Oslo. Elle devient son port d'attache. Si sa notoriété est devenue grande en Norvège, comme en Allemagne, où Walter Rathenau commanda son portrait, désormais sa créativité sera moindre. Il se consacre à des paysages, des scènes de genre, des portraits…

 

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Inger Barth (1921)
 

J'ai choisi depuis le début d'insister sur le thème de la représentation de la femme / déesse  / amante / vampire : les relations compliquées de Munch avec les femmes sont à la base de ses œuvres les plus personnelles, les plus intéressantes aussi. Le talent du peintre ne s'arrête évidemment pas là. On pourrait se contenter de voir en lui un excellent portraitiste ainsi que le montre la fin de l'exposition qui fera date.
 

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Exposition présentée jusqu'au 18 juillet 2010 à la Pinacothèque de Paris.
 

 

Tag(s) : #BEAUX ARTS, #PINACOTHEQUE, #LITHOGRAPHIE
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