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  « Bêtes féroces, bêtes farouches » : l’éditeur a retenu le titre de la huitième nouvelle, or il ne reflète pas plus l’ensemble des neufs récits que la quatrième de couverture où ce livre « respire[rait] la liberté ». Le lecteur y éprouve plutôt le poids des situations dramatiques auxquelles la plupart des narratrices doivent faire face. Exposées à de douloureuses épreuves, — la maladie, l’abandon, la mort ou l’exclusion sociale — toutes n’ont pas la force de résilience pour les surmonter et la plupart subissent leur destin.

 

  On rencontre des portraits variés de personnages masculins, la plupart anonymes comme les héroïnes : dans la première nouvelle l’homme ne s’exprime pas mais sa présence donne espoir à la femme cancéreuse comme à celle qui hésite à accepter son amour dans « Stella Polaris ». Dans « Feux d’artifice et « Starcode Red » le décès de l’homme aimé pousse l’une des femmes à tout vendre et à refaire sa vie ; l’autre à se dépouiller totalement jusqu’à mourir. Deux héroïnes affrontent des hommes antipathiques : dans « Noms et prénoms », un ancien amant violeur et volage ; dans « Portraits de famille » un père ivrogne et loqueteux. On croise par ailleurs deux belles figures de sauveurs : « Il Comandante », amical et joyeux, redonne le goût de vivre à une cancéreuse avant de décéder lui-même du même mal. Bill dans « Cow-boy et indien » sauve la vie d’une artiste dans la Vallée de la Mort. Les héroïnes des deux derniers récits font face à la disparition de leurs proches : celle du compagnon tant aimé que lui survivre est impossible dans « Bêtes féroces, bêtes farouches » ; ou celle de toute une famille de russes catholiques exclus qu’Assia attend de rejoindre dans la plénitude de sa foi.

 

  « Il faut d’abord devenir qui l’on est » déclare Bill. Selon l’auteure, cette découverte de soi s’accomplit dans la souffrance et dans le dépouillement, tant matériel que psychologique. Choisir de laisser anonymes la plupart de ces « bêtes » humaines nous désigne comme leurs semblables : leurs drames pourraient être les nôtres.. Ce sombre tableau de la condition humaine miroite tel un kaléidoscope grâce à la diversité des formes littéraires, des nombreuses références musicales et des répliques en langues étrangères.

 

  À ne pas lire pour se distraire...

 

• Karen KÖHLER. Bêtes féroces, bêtes farouches. Traduit par Isabelle Liber. Actes Sud, 2017, 270 pages. [Titre original : Wir haben Raketen geangelt. Munich, 2014.]

Chroniqué par Kate

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE ALLEMANDE
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