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  Jean d’Ormesson avait conçu cet ultime opuscule comme un « manuel de savoir vivre » destiné à nous tous, les « égarés », qui « ignorons d’où nous venons et où nous allons ». Il désirait nous « fournir des indications sur les moyens de tirer de ce monde peu vraisemblable où nous avons été jetés malgré nous un peu de plaisir et, s’il se peut, de hauteur ». Nul pessimisme dans les propos de ce grand humaniste qui a « tant aimé la vie » car « en dépit de tant de douleurs et de tant de tristesses, entre désastre et désenchantement, la vie est  belle ».

  En une gradation ascendante J. d’Ormesson égrène divers savoirs et sentiments qui fondent notre perception de la réalité et structurent notre existence de « morts en sursis ». Il nous invite à partager son optimisme lucide : en multipliant les paradoxes, en accumulant nombre d’exemples empruntés autant à la science qu’à l’art,  il nous exhorte  à prendre du recul, à jouir des oasis de lumière dans la tragédie de la vie.

 Certes tout est impermanence, « sur cette terre tout se hâte de disparaître ». En raison de nos faibles connaissances  le monde reste un « mystère » : il est  « rencontres et combinaisons » nullement dues au hasard, mais dont nous sommes trop limités pour comprendre le sens : plus qu’un mystère, un « secret ».

  Certes « le mal est partout puisque nous sommes mortels » ; « le monde est injuste. C’est la loi » ; la vérité, comme la liberté, demeurent relatives et inconstantes. Toutefois, « même si nous ne connaissons jamais les conséquences de nos décisions », on ne doit pas renoncer à lutter pour la justice « sous peine de désespoir et de barbarie », ni oublier que se battre pour la vérité « reste un devoir ». Tout est dit. La mort reste la seule justice et la seule vérité tangible.

  Et pourtant la vie vaut d’être vécue, qui permet la pensée et offre le plaisir. Sexuel ou autre, il constitue notre divertissement au sens pascalien du terme, même si le bonheur et la joie demeurent une rare « grâce » qui « tombe » sur « ceux qui aiment et admirent ». Quant à la pensée, plus inexplicable encore que le temps, elle « est une incarnation » tout comme l’amour, d’une transcendance. « Je crois à une transcendance que nous avons le droit et l’habitude d’appeler  Dieu et qui donne enfin un sens à l’univers et à notre vie ». Très proche de  Pascal, Jean d’ Ormesson pariait sur la présence de «  Dieu, notre unique espérance et la seule réalité ».

  « Nous savons que nous mourrons un jour ou l’autre — et peut-être ce soir même »

 « Mais que cette conviction ne nous empêche pas de vivre — et même d’être gais et heureux ».

  Désormais Jean d’Ormesson sait si Dieu existe. Nous, pauvres égarés, devons nous saisir de son manuel comme d’une boussole pour vivre, pénétrés, si possible, comme il le fut, « d’une confiance dont la lumière est le symbole ».

   • Jean d'Ormesson. Guide des Égarés. Gallimard, 2016, 119 pages.

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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