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Si d'aventure on vous propose de monter à bord d'une pirogue baptisée Titanic, bien sûr vous refuseriez. Pourtant les principaux protagonistes de ce roman vont s'y retrouver. Ce Titanic appartient au pittoresque Ignace, à la fois faussaire et contrebandier...

Les nouvelles de Poulet-bicyclette avaient déjà permis de savourer l'humour et la verve de Florent Couao-Zotti. Avec cet excellent roman, c'est aussi la construction de l'intrigue qu'il faudra saluer. Selon le schéma de deux récits menés en parallèle et qui se télescopent à la fin, la traque de la musaraigne constitue un bon roman à suspense, un polar sans meurtre ni enquête policière — quoiqu'un hold-up sanglant ait eu lieu auparavant à Accra.

Stéphane Néguirec, un poète au cœur brisé venu de Bretagne, échoue à Cotonou espérant y ouvrir une sorte de cabaret. Le hasard — en fait une danseuse avec qui il compte passer une nuit rémunérée — lui fait rencontrer une belle plante venue du Ghana. C'est avec cette Déborah Palmer — du moins aime-t-elle se faire appeler ainsi — qu'il va enchaîner aventure sur aventure. La belle, qui n'est pas à court d'argent, exige de lui un mariage blanc … vite consommé. Par ailleurs, Jésus Light, un autre homme, venu du Ghana, recherche une certaine Pamela et les millions qu'elle a emportés avec elle. Le lecteur comprend très vite que les deux femmes n'en font qu'une ! Il n'y a là rien de sorcier.

Fraîchement débarqué à Cotonou, Jésus Light est usé par sa cavale ; il ne souhaite qu'une chambre pour un sommeil réparateur, à l'hôtel que tient Petit Piment, un partisan de l'ex-président Gbagbo. Mais pas facile d'y accéder seul. Le quartier est cerné par des belles de nuit. « Je m'appelle Beyoncé, continua la fille, toujours collée à ses pas. Ce que je te propose, aucune femme ne te l'a jamais fait. Même si t'es fatigué, c'est moi qui prend les commandes. » Mais laissons au lecteur le plaisir de découvrir toute cette histoire où aucune transaction ne se règle avec facture et carte bancaire !

Il faut avoir déjà traversé le fleuve pour dire que le crocodile a une sale gueule. Chaque chapitre commence ainsi par une parodie de proverbe africain. L'auteur béninois a diverses façons de nous attirer pleinement dans son contexte de l'Afrique de l'Ouest : un peu de vocabulaire local (zem pour moto-taxi par exemple), une toponymie réaliste — rues et quartiers — pour situer l'action dans la région de Cotonou et de Porto-Novo, des activités de contrebande d'essence avec le Nigeria, une corruption insensée de la police, etc. L'actualité ajoute au réalisme : deux des personnages se trouvent momentanément aux mains d'une filière islamiste qui alimente Boko Haram en otages. La littérature africaine francophone se porte décidément très bien.

 

Florent Couao-Zotti. La traque de la musaraigne. Editions Jigal (Marseille), 2014, 214 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE AFRICAINE
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