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Les Éditions de Minuit, ce fut pour moi la découverte de Beckett et du Nouveau Roman, Robbe-Grillet en tête. Ce fut une tout autre écriture que j'y découvris avec le premier roman d'Yves Ravey que je lus : “Cutter” ! Pas de choc existentiel ni de formalisme sophistiqué, mais une histoire ramassée réunissant des personnages caricaturaux, et traitant de thèmes simples avec une écriture minimaliste.

Soit un couple mal assorti : les Kaltenmuller. Marius figure l'artisan archétypal tandis qu' Adélaïde se rêve en modèle qu'on photographierait dans une de ses belles robes à fleurs, ou plutôt nue dans son jardin. Pour l'entretien de ce jardin, justement, le couple a recruté un bricoleur professionnel, c'est Marcel Pithiviers, que le jeune narrateur appelle son oncle, qu'il vient aider certains jours, ce qui le sort du centre d'éducation surveillée dont il relève depuis qu'il a défiguré au cutter le copain de sa sœur. Lucky — c'est une antiphrase — n'est qu' « un simple d'esprit » selon l'épouse de l'artisan. Le décès de Marius dans son garage, habillé de son costume anthracite et sa montre en or au poignet, n'est peut-être pas un suicide comme Adélaïde voudrait le faire croire. En effet Marius venait de se rendre dans une agence de voyages : « On n'achète pas deux billets d'avions pour se suicider dans l'heure qui suit » argumente l'inspecteur Saul. Malgré son QI apparemment faible, le narrateur a vu, entendu et compris certaines choses. L'enquêteur va exploiter ce maillon faible au risque de faire exploser la violence que l'adolescent pourrait ne pas maîtriser.

Sans qu'il soit nécessaire pour l'auteur de donner une date précise, les automobiles renvoient au contexte des années 70 : la Ford Taunus « jaune daytona » de Marius, l'Ami 6 break de Marcel, la R8 Gordini du flic. Les vêtements — « la robe blanche à coquelicots » qui sied tant à madame Kaltenmuller ou encore la « chemise rouge » que porte son mari — se joignent à d'autres objets pour constituer autant d'indices sur la piste de la violence sanguinaire qui relie les deux bouts de l'histoire : cutter bien sûr, mais aussi sécateur, couteau, rasoir... Pour le dire en bref : le sang va couler.

Ce récit minutieux comme un mécanisme d'horlogerie se lit très vite, vraiment très vite ! À peine le lecteur a-t-il, dans un bref éclair, cru imaginer une liaison secrète entre Marius et Lili, la grande sœur de Lucky, ou encore pensé voir revenir un de ces photographes invités par Adélaïde, que l'enquête progresse et que l'intrigue atteint son fatal dénouement. Juste de quoi occuper deux heures de TGV.

Yves Ravey. « Cutter », Éditions de Minuit, 2009, 142 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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