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L'historien Hervé Guillemain resitue la méthode Coué dans l'histoire sociopolitique et médicale du début du 20° siècle. Il explore les raisons de son succès, explique pourquoi seule la France l'a longtemps réduite à une expression proverbiale péjorative jusqu'à ce que les médecines alternatives ne contribuent, ces dernières années, à sa réhabilitation.

Pharmacien à Troyes, Émile Coué (1857-1926) jouait aussi le rôle d'un guérisseur local ; théosophe orientaliste, il croyait à l'unité du corps et de l'esprit. À l'inverse de l'hypnose qui manipule le patient, sa Guillemain--Methode.jpgméthode d'autosuggestion consciente responsabilise le malade en le mettant au cœur du processus de sa guérison ; à la différence de la psychanalyse dont elle est contemporaine, elle ne recourt pas à la parole, ni ne pratique la recherche des origines des troubles par l'introspection : le couéisme vise à ramener rapidement le patient dans l'agir grâce à la pensée positive.

« Tous les matins au réveil, et tous les soirs, prononcer la phrase suivante : “Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux ”», sans penser à rien et sur le ton neutre d'une litanie.

Cette psychothérapie suggestive vise à conditionner notre inconscient, très malléable à la répétition, et non notre volonté ; car « ce n'est pas notre volonté qui nous fait agir, mais notre être inconscient.» C'est lui qui dicte nos actes à notre esprit et influence notre physique : l'obsession d'être malade – pensée négative – rend le corps souffrant ; de même à « j'ai oublié » substituons « cela va me revenir » – pensée positive – et l'information surgira plus aisément en mémoire. Certes, la méthode Coué ne pouvait s'appliquer à toutes les maladies, mais la presse de l'époque atteste qu'elle guérit nombre de troubles nerveux, diffus, psychosomatiques, en particulier ceux induits par le traumatisme de guerre dont souffraient de nombreux anciens combattants.

Dans les années 1920, le couéïsme connut le succès aux États-Unis et en Europe; mais en France, peu de médecins – surtout parisiens – la prirent au sérieux, hormis les conservateurs, les nationalistes et les antisémites, adversaires de la jeune psychanalyse, "science juive" à leurs yeux : le corps médical français rejeta la méthode Coué comme une nouvelle forme de "mind cure" américaine. De même, catholiques et calvinistes la condamnèrent : elle ne correspondait pas à l'esprit cartésien français, et sa conception angélique de l'inconscient leur sembla un ferment de regain anticlérical. Pourtant, depuis les années 1970, les thérapies comportementales et cognitives, les tenants de la P.N.L. comme les sophrologues réhabilitent la méthode Coué : l'imprégnation de l'inconscient par la pensée positive peut guérir le mal être selon J.Cottraux : « en modifiant positivement les systèmes de pensée et de croyance, il est possible de modifier les comportements qui font problème.»

Dans cet essai riche de références historiques et médicales, Hervé Guillemain invite à ne plus rire de la méthode Coué ; car pratiquée sérieusement, elle offre les bienfaits des antidépresseurs, sans leurs regrettables effets secondaires.

 

Hervé GUILLEMAIN  -  La méthode Coué. Histoire d'une pratique de guérison au XXe siècle. Éditions du Seuil, “ L'Univers historique ” 2010, 389 pages.

 

 

 

 

Tag(s) : #HISTOIRE 1900 - 2000, #PSYCHOLOGIE
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