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Linguiste reconnu engagé dans la lutte contre l'illettrisme, A.Bentolila nous exhorte à relever le "défi de Babel", à retrouver une langue française commune, non pour nous faire "L'égal de Dieu" mais pour BENTOLILAréellement vivre ensemble. Il part d'un double constat : on parle de moins en moins une langue française correcte ; on communique de plus en plus grâce à des "français de tribu". Le discours socio-politique et médiatique pâtit de l'imprécision et de la confusion du vocabulaire ; les journalistes maltraitent la syntaxe, la familiarité et l'approximation sont de mise : on parle "cool" et "on se comprend"!.. Par ailleurs se multiplient ces langues de l'entre-soi (groupes familiaux, d'âge, d'origine, d'entreprise) : elles entretiennent le consensus mais ne facilitent pas le dialogue avec l'Autre, de milieu et d'opinion différents."Qui se ressemble s'assemble", c'est là tout le problème! Or, on ne peut prétendre au "rapprochement", au "vivre ensemble" — pour parler "branché"— si nous ne parlons pas "à ceux que (nous) n'aim(ons) pas" dans une même langue française qui, en franchissant nos distances, nous permet une mutuelle compréhension.


La pauvreté du vocabulaire, l'incompétence à construire des phrases marginalisent linguistiquement beaucoup d'élèves et contribuent à l'échec scolaire selon le linguiste. Il montre qu'un jeune qui ne sait ni expliquer ni argumenter son point de vue n'a souvent d'autre moyen de se faire entendre que la violence verbale et gestuelle. Bien parler la langue française aide également à comprendre le point de vue d'autrui, à résister autant aux risques d'aliénation intellectuelle (par la T.V. et Internet) qu'aux discours récupérateurs. Une  bonne compétence linguistique permet de développer   l'esprit critique et la capacité de réfutation.
Alain Bentolila n'est pas avare de conseils aux parents ni aux professeurs d'école pour donner aux enfants "le goût des mots" ; un petit ne lira bien que s'il a entendu beaucoup de mots avant le cours préparatoire ; surtout, la langue française se compose d'arbitraires linguistiques imposés que parents et enseignants doivent inculquer à l'enfant.
Les propos d'A.Bentolila restent souvent marqués d'idéalisme ; il interpelle une société française utopique où les parents, majoritairement lecteurs assidus de livres sans illustrations, accepteraient de consacrer du temps à transmettre à leurs enfants la juste langue française ; où les enseignants se substitueraient aux parents incompétents et, missionnaires de la République, forgeraient également, dans la rigueur, la maîtrise de l'écrit copie après copie...
On l'a compris l'auteur ne fait pas dans la nuance car son essai a vocation à nous alerter. On ne peut que souscrire à sa thèse : « C'est contre la dérive perverse d'une parole à courte vue qui fuit la différence, qui chérit la connivence, qui renforce préjugés et tribalisme que, parents et enseignants, nous avons à lutter.»

Alain Bentolila - Parle à ceux que tu n'aimes pas.

Odile Jacob, septembre 2010, 233 pages.

 

Tag(s) : #EDUCATION
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