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On croque ce petit roman comme une friandise douce-amère. C’est la belle histoire d’Aïssatou, jeune femme centrafricaine de vingt-deux ans, qui rencontre l’amour au mariage de sa meilleurs amie Ambroisine : toutes deux vont épouser à Bangui un « moundjou », un Blanc, venu de Bourgogne. Mais rien n’est facile pour Aïssatou qui rencontre mille embûches pendant un an pour obtenir les papiers officiels et partir rejoindre en France son époux. Adrienne Yabouza sait conter avec humour et ironie ; le français africain et la langue locale, le sango, pimentent chaque page. Elle évoque la vie quotidienne entre faim et pauvreté, de rebellions en coups d’État ; elle égratigne autant les Noirs que les Blancs : la corruption n’a pas de couleur......

C’est dans la bordellerie de Mpoko, l’aéroport de Bangui, qu’Aïssatou et Rémi ont connu le coup de foudre ; et dès le soir du mariage d’Ambroisine, ils ont « piétiné le mur » — fait l’amour — ; mais il ne l’a pas enceintée... Une fois mariés à Bangui, Rémi repartit en France : commença alors un véritable parcours du combattant pour la jeune épousée afin d’officialiser son mariage. Le 23 mars 2013 des rebelles s’introduisirent dans la maison qu’Aïssatou partageait avec sa mère et ses deux soeurs ; le lendemain le président Bozizé était renversé : « il voulait garder pour lui-même les richesses du pays, et les ministres rebelles voulaient la même chose. Ça ne pouvait aboutir qu’à du chamboule-tout ». Réfugiées au Congo, elles ne furent pas les bienvenues :

« Pour le HCR à Brazza, le grand jeu c’est de salir les réfugiés. Quand t’es réfugié, quand t’es étranger, t’es rien d’autre qu’une calebasse ébréchée ». En outre, Aïssatou sait bien que rien ne s’obtient sans « gros billets CFA ». Déjà, à Bangui, c’est parce qu’Ambroisine avait « un peu un peu mouillé la barbe — versé un pot de vin — d’un ministre » que son amie avait obtenu un petit emploi... À Brazzaville Aïssatou se vit refuser son sésame : « les Français ils voulaient pas de moi. Ils voulaient bien du dictateur qui avait fui, ils voulaient bien des fils du dictateur qui avaient tué et volé... mais moi, mariée, ça n ‘allait pas ! »

Il a fallu à Aïssatou toute « la patience du baobab » pour enfin voyager dans l’espace chaînegaine (sic) avec des papiers en règle. Quoique...

Grâce à son humour et sa langue métissée, A.Yabouza sait instruire en plaisant,  déplorer les incessants conflits entre Blancs et Noirs, — « pourquoi les français officiels calfeutrés dans leur ambassade avaient toujours peur des Africains des pays où ils résidaient : quels reproches craignaient-ils, quelle colère, pour quel crime impayé ? » — qui sont pourtant semblables frères humains — « Ceux qui disent que les Blancs sont comme ceci et les Noirs sont comme cela, n’ont jamais entendu un Blanc ou un Noir parler à belle fille, parce que c’est du tout pareil, avec les mêmes mots et les mêmes envies plein la bouche ».

On attend avec impatience le prochain roman où Adrienne Yabouza contera encore la République Centrafricaine si peu représentée en littérature !

 

• Adrienne Yabouza. La patience du baobab. Éditions de l'Aube, 2018, 167 pages.

Chroniqué par Kate

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE, #CENTRAFRIQUE
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