Sidérés par l'avalanche des romans américains dans nos librairies, il me semble qu'on ne soupçonne assez pas la richesse de la littérature israélienne ! A côté d'auteurs connus, voire déjà classiques, comme Aaron Appelfeld, Avraham Yehoshua, Amos Oz, ou encore David Grossman, il existe un myriade d'auteurs à découvrir : Ronit Matalon, Meir Shalev, Zeruya Shalev, Ayelet Shamir, Eshkol Nevo, etc..., ou encore Dror Burstein justement, l'auteur de Matière Noire.
Avocat, la quarantaine, Ouri Ullman a une sœur de dix ans son aînée, Dorit. Il l'aimait beaucoup. Elle a mis fin à ses jours. Déjà, lors de son service militaire elle avait fait une tentative de suicide. On ne sait si le romancier israélien Dror Burstein (né en 1970) s'est inspiré de données autobiographiques ou s'il a versé dans l'autofiction, toujours est-il que le personnage d'Ouri est lui aussi avocat de formation.
Le roman se compose de deux parties à l'hiver 2010 et à l'hiver 2011. Il commence par l'époque la plus récente : Ouri, qui est alors le narrateur, se rend chez son père à Jérusalem pour qu'on lui explique comment sa sœur est décédée. Amos, son père, est du genre fuyant. Il semble parfois se cacher chez lui ou prétexter la nécessité de se rendre à la synagogue pour abandonner la conversation avec son fils. Il paraît plus intéressé par l'archéologie et les bifaces que par sa propre famille. Rita sa mère est plus rationnelle, elle qui a enseigné l'anglais toute sa vie. Les parents forment un couple qui n'est guère soudé, ce qui contraste avec la façon dont leurs enfants s'entendaient. Jadis le frère et la sœur avaient passé ensemble de brèves vacances au bord du lac de Tibériade. Ouri se souvient de ces moments heureux d'autant que Dorit avait été une enfant douée et qu'elle avait gardé toute sa vie un grand sens poétique qui manque à ses parents.
Retour en arrière avec la deuxième partie. L'année précédente donc, en janvier 2010, Ouri a donc subi une greffe du rein. C'est le nœud de l'intrigue. Je ne veux pas révéler le fin mot de l'histoire, le lecteur découvrira les détails au terme du roman mais les choses se sont passées d'une manière inattendue qui explique le malaise que l'on sent dès le début de la narration. C'est tout de même extraordinaire que Dorit n'ait pas été mise au courant de la maladie de son frère et qu'un an après son décès Ouri ne sache pas non ce qu'il s'est passé dans la maison de son père pendant qu'il attendait un greffon à l'hôpital de Tel Aviv !
Il est clair que la composition un peu alambiquée de ce roman reflète une communication difficile à l'intérieur de cette famille. Le résultat m'a paru vraiment digne d'intérêt mais il se peut que certaines lecteurs soient indisposés par ces complications à la fois psychologiques et rédactionnelles.
• Dror Burstein. Matière noire. Traduit de l'hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech. Actes Sud, 2014, 212 pages.