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La romancière indienne Anuradha Roy — ne pas confondre avec Arundathi Roy également d'origine bengalie — a publié sous ce titre intrigant un roman fort bien construit et passionnant à lire. Il a un côté “saga familiale” et nous emmène au Bengale au temps de l'empire britannique puis de la partition, mais le contexte historique relève ici de l'accessoire.

• Installée à Songarh –sur les collines loin de Calcutta–, la famille d'Amulya vit de la production de remèdes naturels pour la médecine ayurvédique. Outre le mari, passionné de botanique et de jardins, voici Kananbala son épouse, ses fils : Kamal, l'aîné déjà marié, et Nirmal le cadet. Kananbala, qui ne se plait pas si loin de Calcutta, est de plus en plus sujette à des troubles mentaux. Elle est capable d'insulter un peu tout le monde ; cela s'aggrave après le mariage de son fils cadet et l'installation dans la maison de sa seconde belle-fille. Néanmoins, on la croit quand elle affirme que leur voisin Barnum, patron d'une entreprise minière, a été assassiné devant chez lui par des parias alors qu'elle a bien vu que c'est la séduisante Larissa et son amant qui ont fait le coup. Contrairement aux suppositions du lecteur, l'intrigue ne se mue pas en enquête policière et reprend son cours d'histoire familiale.

À la fin des années vingt, Nirmal a épousé Shanti, fille unique d'un riche veuf, juriste et propriétaire d'une belle villa à colonnes au bord d'un fleuve, à Manoharpur. « Ils passèrent leur nuit de noces dans un lit jonché de fleurs épineuses et humides, ainsi que le voulait la tradition » et toujours selon la tradition, c'est dans la maison de ses parents que Shanti revient quelques mois plus tard pour accoucher. Elle donne à sa fille un nom d'arbre : Bakul. Malheureusement Bakul se retrouve orpheline, car par suite de la soudaine montée du fleuve et de l'inondation catastrophique qui en résulta, sa mère n'a pas pu être soignée et est morte en couches.

Bakul, que va-t-elle devenir ? À l'âge de quatre ans, son père – qui a abandonné l'enseignement pour l'archéologie – l'installe auprès des siens à Songarh. Pour lui servir de nounou il recrute une cousine, Meera, jolie veuve d'une vingtaine d'années. Au décès d'Amulya, Nirmal fait venir à la maison Mukunda le gamin qu'Amulya avait confié à un orphelinat pour sauver l'honneur de son comptable dont le fils avait eu une liaison avec une fille de la minorité santale, donc hors-caste. À leur adolescence, la famille décide de les séparer sans se soucier de leur avis et Mukunda est envoyé continuer ses études à Calcutta. En même temps, Meera les quitte pour enseigner le dessin.

Là encore, surprise pour le lecteur qui supposait que les deux jeunes veufs allaient s'épouser. Arrivé à la troisième partie, le lecteur se demande par quelles voies compliquée Bakul et Meera vont se retrouver — si jamais la vie les fait se rejoindre ! Or apparemment la vie les éloigne l'un de l'autre. Tandis qu'éclatent les massacres entre musulmans et hindous, Mukunda qui travaille à Calcutta s'y marie. Un mariage aussi est arrangé pour Bakul... Cette troisième partie, écrite selon le point de vue de Mukunda, est pleine de retournements de situation. C'est vraiment « un atlas de l'impossible » comme l'avoue à Makunda l'astrologue chiromancien qu'il est venu consulter.

• Pour ces retournements de situation, ce ne sont pas les sentiments qui jouent le rôle moteur, c'est l'immobilier ! En fait, trois maisons. La moins importante est celle qui appartient à Suleiman le professeur d'histoire musulman qui doit fuir Calcutta quand les émeutes éclatent, et la laisser à son locataire Mukunda désormais au service d'un... promoteur immobilier. La seconde est la grande maison bourgeoise, construite par Amulya quand il est venu ouvrir son usine de médicaments et de parfums, et située face à celle de l'anglais Barnum dotée d'un bassin où Bakul et Mukunda ont commencé à flirter en barbotant. La troisième est la maison de Manoharpur : « Sur la photo, la maison est cernée d'eau, l'eau d'un fleuve sépia qui s'assombrit, inoffensif. La maison est une folie, une bâtisse de style roman dont les colonnes fuselées se dressent jusqu'à la voûte du toit. Sur les côtés, un bouquet de hauts palmiers inclinés semble chiffonner le ciel. En appuyant sur le déclencheur, on a figé les petits remous au pied des colonnes qui soutiennent la longue véranda. » Ces trois maisons sont destinées à changer de propriétaire et la vie de Bakul et de Mukunda s'en trouvera très perturbée... Vous avez deviné : l'attachement aux maisons sert de métaphore pour des sentiments plus intimes.

• Anuradha Roy. Un atlas de l'impossible. Traduit par Myriam Bellehigue. Actes Sud, 2011, 317 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE ANGLAISE, #INDE
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