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La romancière Emmanuelle Lambert a séjourné à Manosque dans la maison de Jean Giono afin de réunir photos, textes et enregistrements en vue d’une exposition en hommage au célèbre écrivain. Dans cet essai très personnel elle entend « rendre Giono intelligible » en mettant en lumière la part d’ombre de ses romans. Il est toutefois regrettable qu’E.Lambert y parle autant d’elle que de l’écrivain sans réelle nécessité.

 

Fils de Jean-Antoine, cordonnier anarchiste, et de Pauline, repasseuse, Giono a connu, à vingt ans la première guerre mondiale : il a vu la mort de près. Cassé, traumatisé, toute son œuvre en a été marquée. Ainsi l’image d’Épinal d’un Giono bon pâtre provençal et merveilleux conteur masque une grande violence. Même s’il n’a pas écrit la mort sur le vif, il la transpose dans ses romans à travers les tragédies et les catastrophes qui frappent ses personnages. Nombre « d’êtres boiteux, contrefaits, battus », la furie, le meurtre, le suicide, comme dans Un roi sans divertissement hantent les pages.

En fait, Giono n’aimait pas les hommes. Pacifiste, anticapitaliste, la guerre les a déshumanisés et a enrichi les industriels. S’il prône le retour à la ruralité, à une vie humble et frugale, c’est pour inciter ses contemporains à limiter la destruction de l’environnement naturel dont ils sont responsables. On a voulu voir à tort en Giono un apôtre de l’écologie doux et bienveillant.

Lumière et ombres, Giono reste un écrivain énigmatique et engagé. Il fut emprisonné en 1939 pour avoir distribué des tracts appelant à la paix, de nouveau en 1944 mais cette fois pour complaisance avec l’occupant. Si son antisémitisme appert dans ses journaux personnels, il a toutefois protégé des juifs. S’il a connu bien des maîtresses, il n’a pas abandonné Élise, l’épouse « dont la pureté m’aide à vivre » confiait-il. Même blanchi à sa sortie de prison, enfin reconnu par le Comité National des écrivains qui l’avait inscrit sur sa liste noire, Giono demeure insaisissable.

Le dérèglement climatique, l’apocalypse que d’aucuns prophétisent, Giono l’avait prédit car l’homme refuse d’admettre qu’« il n’a pas plus de droits que la bête ».

Relisons donc Giono, l’écrivain du mal, pourfendeur de la « bête humaine » afin de porter un autre regard sur « le monde comme il va ».

 

Emmanuelle Lambert : Giono furioso. Stock, 2019, 221 pages.

Chroniqué par Kate

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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