Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Alors que l’actualité tragique remet le drapeau tricolore au premier plan, l’essai que l’historien M. Pastoureau consacra au bleu voici une quinzaine d’années ne manque pas d’intérêt.

Étrange histoire que celle du bleu ! L’époque romaine et le haut-moyen-âge le méprisaient car c’était la couleur des barbares, des paysans et des gens de basse condition. Mais à partir du 12e siècle, le culte marial le valorisa et saint Louis ne se vêtit que de bleu « d’azur semé de fleurs de lis et d’or ». La réorganisation hiérarchique des couleurs brisa la triade blanc-rouge-noir. Devant la forte demande sociale, les teinturiers améliorèrent leurs techniques pour extraire de la guède le précieux pastel.

« Royal, marial, le bleu devint moral » au 14e siècle. En effet les lois somptuaires et les décrets vestimentaires interdirent les couleurs voyantes. Ainsi imposa-t-on aux métiers jugés dangereux ou suspects (médecins, bourreaux, prostituées, mendiants) le blanc et le noir, aux juifs le jaune, couleur de la Synagogue. Mais on toléra le bleu qui n’avait guère de visibilité sociale. La chromophobie protestante permit, par réaction, l’explosion chromophile de l’art baroque : dans les églises, les jésuites firent grand cas du bleu, couleur du ciel et lumière de Dieu. C’est au 18e siècle que triompha la couleur bleue, symbole du Progrès et de la Liberté. Certes l’indigo importé d’Orient ruina la production nationale du pastel, mais il permit cette vague bleue. Après 1789 le « Bleu de France » conquit les cocardes puis le drapeau. Les romantiques lui ajoutèrent un parfum de mélancolie. À partir de 1870 le bleu se fondit au blues, ce rythme nostalgique à quatre temps.

Toutes les couleurs ont une fonction sociale : elles servent à marquer, à distinguer et classifier. Pourtant, selon l’auteur, le bleu reste en Occident la plus portée en tous milieux sociaux, grâce, en particulier, à la généralisation du jean. Le bleu a pris désormais une dimension internationale, témoins les casques bleus de l’ONU. Classé comme « couleur froide », le bleu est jugé consensuel, non agressif et apaisant.

Essayons donc de voir la vie en bleu !

Michel Pastoureau. Bleu. Histoire d'une couleur. Seuil, 2002, 216 pages (coll. Points, 2006).

Tag(s) : #HISTOIRE GENERALE
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :