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Aswerda ? Ne cherchez pas, c'est la capitale d'un pays imaginaire qui semble avoir été le théâtre Laclavetine-Aswerda.jpegd'un coup d'état militaire un certain 11 septembre. Une opposition clandestine s'est alors mise en place. C'est rapporté d'une façon vague à souhait qui peut faire penser à un reste d'atmosphère de Nouveau Roman. En mai — peut-être dès l'année suivante — le Réseau, alias l'Organisation, passe à l'action. Après quelques succès, l'insurrection échoue. Les clandestins qui ont pu s'échapper s'exilent dans un pays limitrophe. C'est là-bas que Joris retrouve brièvement Ana dans un refuge en pleine montagne. Mais la détermination d'Ana à rester libre met fin à l'histoire d'amour que Joris rêvait de reprendre avec elle. Elle ne voyait plus en lui qu'un « caniche pleurnichard ».

Les années passent. Pour Joris désormais « les souvenirs en liberté sont des bêtes malfaisantes » et l'essentiel de la narration romanesque est constituée d'un travail sur la mémoire sous la forme du dialogue entre Joris et un interlocuteur insistant mais qui reste anonyme.

Ainsi se déroule petit à petit sous nos yeux l'histoire du jeune Joris, fils d'un libraire de province abandonné par son épouse et assassiné par les miliciens à hauteur de l'incipit. L'enfance de Joris a été celle d'un garçon introverti, la tête dans les livres et rétif aux études. Après la mort de son père, il est recueilli par une jeune voisine, Ellen, auprès de qui il découvre sensualité et sexualité. Ellen disparue, sans doute arrêtée, Joris se voit conseillé de quitter la province pour Aswerda. Là, vivant de petits boulots, il rencontre Richard, le vieux bouquiniste qui le fait entrer dans l'Organisation, pour finalement servir de contact avec Ana.

Quant à l'histoire d'Ana, la jeune rebelle en rupture avec sa famille, c'est dans la partie centrale du livre, la lecture de son cahier qui nous l'apprend. Menant une vie de marginale, elle est devenue membre de l'Organisation. C'est ainsi que Joris est entré dans la vie d'Ana bien qu'il la sente souvent « inaccessible ». L'Organisation a fait ses préparatifs et l'insurrection est déclenchée le 16 mai. Joris et Ana, les deux amants, se retrouvent séparés...

Vu l'année de publication de ce second roman de Jean-Marie Laclavetine, il n'est pas interdit de penser que la date du 11 septembre est ici une allusion à la chute du régime Allende au Chili... Mais parler de fable politique serait exagéré pour la toile de fond sur quoi s'inscrit la destinée du fils du libraire. L'auteur a très nettement privilégié les contenus psychologiques. Chez Joris, « adolescent attardé », spectateur de la vie des autres, quitte à se faire voyeur, il y a une difficile perception de la réalité et une passion pour les livres — d'ailleurs commune à d'autres personnages. C'est une attirance pour ainsi dire spontanée, qui n'a pas été formatée par de longues études, — comme si l'auteur avait des comptes à régler avec les siennes — les personnages du roman les ayant au contraire écourtées, à l'exception d'Anton qui est envoyé dans un pensionnat tenu par des religieux quand ses parents à l'esprit étroit veulent l'écarter de sa sœur Ana. C'est ce coup de force parental qui décide Ana à rompre avec eux. Dans ce livre, on remarque aussi un monde du travail qui est celui de petites entreprises à taille humaine comme on dit un peu bêtement : l'imprimerie dirigée par Malka, l'atelier de jouets en bois où Ellen est chargée de la peinture, l'entreprise d'horticulture où Joris séjourne quelques semaines avant de se lasser de ce travail et de s'enfuir. L'écriture très travaillée de ce beau roman psychologique donne au lecteur une douce satisfaction mais pas réellement d'émotion forte.

Jean-Marie LACLAVETINE  :  Loin d'Aswerda. Gallimard, 1982, 234 pages.

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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