Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

 Comme des confessions, souvenirs d'objets domestiques, lieux d'enfance et d'adolescence — parfois au-delà — ces miniatures de François Bon ne prétendent pas au chef-d'œuvre immortel : « Pas question de faire son Barthes au petit pied : trop merveilleux ce qu'il a fait…» Pourtant au moins un recoupement de nature automobile Bon-Autobio.jpgavec la deux-chevaux ou la DS de Citroën ! Car son père était garagiste de la marque, en Vendée puis dans la Vienne. Les souvenirs sont générés aussi par les pièces détachées, souvent sources de trésor pour le coffre à jouets. Et tout ce qui bouge et tout ce qui est mécanique ravit l'enfant et l'ado qu'il fut. La fête foraine est ainsi un temps fort avec son manège, plus tard ce seront les autos tamponneuses.

« Sur ce manège qui s'installait l'été à La Tranche-sur-Mer, il y avait aussi un camion de pompier rouge et un autobus bleu. Je n'aimais pas l'autobus, il y avait deux volants et on ne pouvait pas y être seul. Dans le camion de pompier, il y avait des chromes et un klaxon. J'aimais la voiture de course, aussi. Pour en retrouver les images, je dois passer par le souvenir du dépit ou de la colère à découvrir qu'un autre môme s'y était déjà installé, ou de la stratégie à employer pour y sauter le premier. Sinon, je me réfugiais dans la toupie du milieu: on attrapait ce gros volant métallique lisse au milieu qui démultipliait notre vitesse de rotation mais ça ne plaisait pas à mon frère, il trouvait que ça allait trop vite.»

Les maisons successives des grands-parents et des parents organisent aussi une géographie de l'enfance. La mémoire s'accroche aux pièces et à leur disposition, à la date l'entrée dans la maison de la machine à laver, du transistor ou du téléviseur, bref l'arrivée du confort moderne et de la société de consommation alors qu'il y avait encore des sols en terre battue dans les villages donnant sur le marais vendéen, les canaux, les écluses et les anguilles. La machine à laver ringardisait la vieille buanderie mais pour le petit garçon le hublot de la Vedette c'était celui du "Nautilus" du capitaine Nemo.

   « Je n'ai jamais manqué de livres » reconnaît François Bon, qui après les avoir boudés de 16 à 24 ans, a lu tout ce qui croisait son chemin : Jules Verne, Edgar Poe, Balzac, Tolstoï... En fait cette autobiographie ne donne aux livres qu'une place limitée. Des objets, souvent sortis aujourd'hui de notre espace quotidien, alimentent aussi bien que des photos d'album l'usine à souvenirs : le crayon de charpentier, la carte de France en plastique, la règle à calcul, les ronds de serviette, les machines à écrire Japy ou Remington... Il s'agit aussi d'objets plus personnels, sur mesure en quelque sorte, comme ces sandales taillées dans du pneu de camion ramenées de Bombay par le jeune ingénieur qui bientôt allait se consacrer à l'écriture après avoir connu le monde industriel.

   En somme, un ouvrage à la fois très personnel et émouvant, plus un vrai kaléidoscope de la France d'avant Internet et d'avant la crise.

François Bon : Autobiographie des objets. Seuil, 2012, 244 pages.

Egalement sur ce livre.

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :