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J'ai découvert Céline Minard avec "Olimpia", une histoire inscrite dans la Rome du XVIIe siècle contée dans un étincelant style baroque. Ici, c'est une autre affaire : Denysot-le-Clerc dit Spencer Five tient la plume et emplit les feuillets d'un grimoire médiéval.

« En fin dudit mois d'août mil quatre cent trente sept, très brûlant de chaleur, moult orages éclataient Minard-Bastard-Battle.jpegincontinent tant au matin qu'à la brune, et claquait la foudre à tout-va, cassant les arbres, dépouillant les bestes malabritées, desnudants par fois quelque vilain égaré aussi bien qu'escorcheurs en vadrouille, sans plus de pitié, aveuglément.» Ça chauffe en effet du côté de Chaumont : arrivent des « escorcheurs », justement, des soldats perdus des grandes compagnies, des routiers, qui pillent des contrées du royaume dans ces années d'après Jeanne d'Arc, quand la fameuse guerre de cent ans n'était pas encore achevée.

« Aligot de Bourbon, second bastard du nom, le meilleur » guerroie pour prendre la ville, la perdre, puis la reconquérir, et fuir finalement. L'intrigue est mince, effilée comme la lame de l'épée que manie « Enguerrand à la charrette, pour vous desservir si vous persistez à mauparler aux dames qui vont désarmées sur les routes ». Peu importent les épisodes. On ne compte pas les cadavres. Des guerriers qui ne sont plus vraiment de preux chevaliers s'étripent à plaisir. Chaumont est pris et repris, des villages, des couvents brûlent dans les pays alentour. Tandis que Vipère-d'une-toise court sur les toits, le bastard s'époumonne : « Ramassis de brigands félons, gores pipeurs ! Rendez-vous et tendez le cou au carcan, ne me poussez pas à éventrer la muraille !» La bataille ne finit pas aussi facilement...

« Ouvre ce bréviaire monseigneur, belle dame » : derrière le narrateur qui s'adresse à nous, Céline Minard a sans nul doute reçu l'inspiration de Rabelais et de Villon, mais aussi d'aventuriers de romans chinois et de mangas japonais, pour bâtir cet ahurissant pastiche, vraie-fausse imitation du françois du temps de la Pucelle, en un roman flamboyant qui tient tout autant de la B.D. que des récits de Philippe de Commynes et de Blaise de Monluc. Ce serait pesant s'il y avait plus de cent pages. Il y a juste le compte : Denysot-le-Clerc est bon « illustrateur et copiste épargné pour [ses] talents ». Ses formules font mouche : « Je vais, dit-il, où le vin me pousse.» Parfois on oublie qu'il n'est que le narrateur.

Céline Minard - Bastard Battle. Ed.Tristram, Auch, 2013, collection "souple", 113 p. 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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