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Grand reporter de guerre à France 2, Richard Binet choisit de faire partager son expérience sous une forme originale, entre carnet de route et roman. On retrouve la classique relation sexuelle, passionnelle et tragique, entre Evan, journaliste de guerre et une jeune Peule, Maïmouna. Il la rencontre alors qu'il achève une mission de dix-huit mois au Sénégal ; elle le rejoint à Paris mais il repart en Irak couvrir l'opération "Tempête du désert".... L'intérêt du récit est ailleurs.

Deux caractères campés avec maîtrise

Trentenaire resté veuf avec une petite Laura confiée à ses parents, fasciné depuis l'adolescence par les explorateurs du Continent Noir, Evan travaille comme correspondant de presse de l'A.I.P. en Afrique de l'Ouest. Impulsif égocentré, il vit de se mettre en danger. S'il cherche l'empathie avec les populations africaines, c'est plus pour recevoir que pour donner : il cannibalise autrui — " je mens, je trahis, sans me soucier des autres." Pour cet aventurier, seuls comptent l'instant présent et son intérêt personnel. Un peu trop coureur et buveur aux dires de son patron, ce jouisseur déteste les "journalistes de salon", mondains qui ne vont jamais sur le terrain. Il croise la route de Maïmouna, caractère également trempé d'orgueil et d'instinct dominateur. Elle tient sa fierté de son ethnie peule et de son statut de fille de chef. Diplômée de la faculté de Dakar, elle adorait son père, ministre de l'Intérieur tombé en disgrâce exilé et décédé à Ingao, village perdu au bord du fleuve. Elle reste en conflit avec sa mère, belle dakaroise égoïste et déchue ; pour élever ses quatre autres enfants, elle sacrifie son aînée en la poussant à se prostituer. Maïmouna se refuse à toute forme de soumission : " si je ne me défends pas, je serai ce qu'ils veulent que je sois". Elle se met à rêver sa vie, s'approprie le journaliste blanc, use aisément du mensonge... Seule à Paris, elle dilapide en frivolités l'argent qu'Evan a laissé...

L'évocation des populations africaines

Autant près de Barbès qu'au Sénégal, Richard Binet sait décrire avec justesse et vivacité les marchés, les coutumes, les rituels ; suggérer l'importance des réseaux relationnels, la corruption ou le rôle essentiel de "l'argent des fils exilés en Europe"... sans oublier la mise en scène de soi : "En Afrique, on ne prend pas les gens pour ce qu'ils sont, mais pour ce qu'ils disent être".

"Le sang du Baobab", c'est sa sève censée guérir les femmes stériles ; c'est aussi l'énergie du Continent Noir, immense baobab qui toujours rappelle: "n'oublie jamais d'où tu viens"!

Richard Binet semble ne pouvoir résister à l'appel de l'Afrique : son personnage, plus aventurier que journaliste, reviendra-t-il dans de nouvelles aventures? On l'attend!

Richard Binet. Le sang du Baobab. Riveneuve, 2008, 194 pages.

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE, #AFRIQUE
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