Adonias (le narrateur) a laissé à Recife son épouse Joana pour faire la route avec ses cousins, David et Ismaël, vers la "Galiléia" – la fazenda du vaste clan des Do Rego Castro en plein Ceara – et revoir leur grand-père Raimundo Caetano à l'article de la mort. Avec des descendants d'Africains, d'Indiens jucàs et kanelas, de Juifs sépharades —d'où les nombreux prénoms bibliques : Benjamin, Tobias, Nathan, Salomon, Josaphat, Esther— le clan des Do Rego semble une parfaite illustration du métissage brésilien.
En fait, la réalité est tout autre. « D'où vient la rancœur qui contamine ma famille ?» se demande Adonias. Le domaine n'est plus ce qu'il a été : la production de café a été abandonnée, et n'a pas été remplacée par celle des anacardiers qui réussit ailleurs dans la région. La grand-mère Maria-Raquel continue de croire aux hamacs. L'un de ses fils compte sur le biodiesel. Mais les fils et petits-fils les plus entreprenants sont partis vers le Sud, tel Elias qui dispose même d'un hélicoptère. En fait ces aspects matériels ne sont pas l'essentiel. Les jalousies, les rancunes, les haines, les cachotteries et les mensonges pullulent. « Nous passons notre temps à trifouiller dans l'intimité des uns des autres, émoustillés par les prouesses sexuelles de nos cousins, nos oncles, nos pères et nos frères » prétend l'un des petits-fils.
David, le fils de Marina la sociologue pauliste venue au Ceara pour sa thèse et qui a épousé Nathan plutôt que Salomon, est un beau blond qui séduit même des hommes. Son demi-frère Ismaël est le fils dudit Nathan avec une indienne : ses « marques tribales des Kanelas » ne passent pas inaperçues. Il rentre de Norvège où il a fait de la prison pour violences envers sa femme. Esaü et Jacob, les fils illégitimes de Teresa Araujo, la nounou noire des enfants Do Rego Castro, ont été adoptés par Raimundo à qui maintenant ils font office d'infirmiers.
Le métissage ne semble pas mettre tout le monde à égalité. « Nous sommes des sang-mêlé depuis la péninsule Ibérique, poursuit [l'un des petits-fils]. Et j'en suis fier. Mais les Portugais s'obstinent à cacher le métissage. Ils n'ont pas honte d'avoir été marchands d'esclaves, mais ils font tout pour effacer les signes de la présence africaine à Lisbonne. De ce côté-ci de l'Océan, ils forniquaient avec les Négresses, sans aucune gêne. Mais, au «petit pays», au Portugal... que Dieu nous garde de la promiscuité! Nous avons hérité de leur morale hypocrite.» Et côté hypocrisie, secrets et mensonges, il faut en laisser à découvrir au lecteur...
Le roman se passant dans le Nordeste brésilien évoque différents aspects de la culture locale mais l'intérêt est surtout dans le tableau d'une vaste famille ; d'ailleurs chaque chapitre est focalisé sur l'un des membres.
• Ronaldo CORREIA DE BRITO. Le don du mensonge. - Traduit par Danielle Schramm. Liana Levi, 2010, 253 pages.