
Voici un petit livre parfait pour s'initier au monde de la romancière polonaise à qui le prix Nobel a été décerné cette année pour 2018, un petit galop d'essai avant de se lancer dans la lecture de l'immense Les Livres de Jacob.
Les Enfants verts est un bref récit qui dépayse. Dans la Pologne de 1656, tout va de travers. Bientôt perce le merveilleux dans ce triste monde.
Le roi Jean II Casimir a appelé auprès de lui un médecin écossais amateur de botanique,William Davisson. Le roi souffre de podagre et du « mal de Naples » – entendez la syphilis. Ses maux s'aggravent tant il perd de batailles : les Suédois attaquent Varsovie, les paysans se soulèvent, les Russes et les Tatars s'en mêlent. C'est Davisson qui nous raconte l'histoire. Et il n'a pas le moral : « je m'étais soudain rendu compte qu'il n'existait pas sur terre de pays plus affreux que celui-ci » écrit-il. De se trouver dans ce pays perdu aux confins de l'Europe voilà qu'il regrette la cour du roi de France. Heureusement, il herborise.
Or, voilà que résistant au découragement, le roi a décidé de faire route jusqu'à un sanctuaire éloigné pour tenter de protéger son fragile royaume en adressant ses prières à la Vierge de Lvov. En chemin malheureusement Davisson s'est cassé une jambe et le voilà bloqué en pleine Volhynie, en compagnie de son aide le jeune Opalinski, tandis que le roi poursuit sa route. En attendant sa guérison Davisson se fait héberger chez un gentilhomme, le chambellan Kurcewicz. C'est alors que l'on s'avise de deux enfants d'allure différente qui traînent au village : un garçon et une fille, « chétifs, très mal vêtus », souvent agressifs, et qui ne parlent pas. Surtout ils sont un peu verts de peau, peut-être de trop fréquenter la forêt.
Bientôt Osródka — car la fille mystérieuse et mutique s'est décidée à parler — va prendre l'ascendant sur les enfants du chambellan, puis sur tous les jeunes du village, y compris Opalinski ! Enfin rétabli, Davisson prépare valises et herbiers avant de reprendre la route par une nuit de pleine lune... c'est alors que l'inimaginable se produit.
• Olga Tokarczuk : Les Enfants verts. Traduit du polonais par Margot Carlier. La Contre Allée, 2016, 88 pages.