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Le narrateur est Adam, un écrivain haïtien, dont l'épouse, appelée Ève, attend qu'il rapporte à la maison des liasses de dollars plutôt que les minces rétributions qui paient ses nouvelles publiées dans la presse locale. Adam a des problèmes. Il se retrouve à l'hôpital psychiatrique : il est soigné pour schizophrénie. Il a aussi des contacts avec le dictateur, ce que ces collègues jugeraient mal s'ils l'apprenaient.

Dans ce récit l'état schizophrène du narrateur se traduit par une double présence du "je". Par la fenêtre de l'hôpital, le narrateur s'observe dans le jardin. Dans le jardin, le malade observe de l'extérieur son autre moi caché derrière la fenêtre. Où est la vérité ? « Je vais plonger mes regards dans le miroir du lavabo. Pour me retrouver. Pour savoir qui je suis. Je soupçonne de plus en plus que je ne dois plus me fier à mes sens. Je dérive sur la mer démontée de mes souvenirs.» Le lecteur croit suivre le premier et se retrouve avec l'autre. Un lecteur devrait pouvoir se faire à tout !

« Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin » n'est pas que le titre du roman ; c'est aussi l'incipit. Effectivement le narrateur fréquente le jardin, de l'hôpital, ou un autre, très riche en arbres et en fleurs tropicales, que l'on découvre entouré d'un désert. Pourtant à l'extérieur du jardin paradisiaque il y a une ville, des bidonvilles, le palais d'un dictateur, autrement dit l'Élu. Une vieille femme hante ces quartiers, et le soir, des hommes sont tués, peut-être pour avoir voulu sacrifier à des préceptes du vaudou. Qui est-elle ? Le narrateur, sans doute avant d'être interné, —mais est-ce si sûr ?— a rencontré le dictateur pour lui souffler des idées contre rétribution. Dire à son peuple qu'il est une race supérieure. Ériger une statue plus haute que la statue de la Liberté. Elle a l'inconvénient de projeter beaucoup d'ombre. L'écrivain a sans doute tort de fréquenter l'homme politique. « Le président me reçut dans la salle aux masques. Quand il était satisfait des affaires du pays, m'expliqua-t-il, il aimait se faire servir à déjeuner ici, parmi les têtes décapitées et les masques.» Ces masques représentent les têtes des victimes du dictateur... Et l'écrivain se retrouve bientôt porter le masque que le dictateur lui remet. Celui d'un homme très intelligent. « Malheureusement, à un certain moment, il a commencé à perdre les pédales. Il a pensé pouvoir faire cavalier seul ». Est-ce que le narrateur pourra continuer longtemps à mener cette existence périlleuse ? « Il est admis, même dans nos meilleurs universités, que le président est un sorcier puissant. Le peuple l'a élu pour cela. Nos peuples sont tous des peuples de tarés et d'ignorants. Je rejette avec dégoût l'idée de l'envoûtement. C'est en moi que je dois rechercher la raison de ces troubles de l'esprit.»

Entre les deux "moi" du narrateur, les allusions au vaudou, les pulsions sexuelles d'Adam —Eve n'y est pas pour rien— les crimes que le narrateur est chargé d'élucider et l'intervention d'un Dieu qui poursuit le narrateur, la barque est lourdement chargée pour le lecteur ordinaire. Mais vous, peut-être, y trouverez-vous votre bonheur dans cette prose au style magnifique...

 

• Gary VICTOR. Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin. - Vents d'ailleurs, 13640 La Roque d'Anthéron, 2004, 189 pages. 

 

Tag(s) : #ANTILLES - CARAIBES, #HAÏTI
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