Herman Mussert est professeur de lettres classiques dans un lycée hollandais. Surnommé Socrate par ses élèves, il connaît son plus grand succès quand il raconte la mort du philosophe. La jeune Lisa, dans le rôle de Criton, est sa plus grande admiratrice, jusque dans les cours de poésie latine : « Tout vers latin sur lequel se penchait Lisa d'India se mettait à courir, à vivre, à couler. Elle était un miracle vivant…». Mais Lisa, qui excelle dans toutes les matières, et dont tout le lycée est amoureux, n'est éprise que d'Arend Herfst le sportif. Son épouse Maria Zeinstra enseigne la biologie ; un jour Socrate est allé à son cours —c'était un truc pédagogique à la mode— et Socrate s'est mis à s'intéresser à la biologie et encore plus à Maria Z. Mais tout cela appartient désormais au passé.
Le récit est construit comme une prosopopée car Socrate en se réveillant dans sa chambre d'Amsterdam se croit mort, et peut-être l'est-il. Il se souvient que Maria Z. l'a rejoint dans cet appartement qu'il partage avec quatre mille bouquins (d'auteurs anciens) et le chat Noctule. « Quand tout fut fini, j'avais l'impression d'avoir traversé la Manche à la nage.» Il se souvient aussi d'avoir emmené Maria Z. à Lisbonne pendant que son mari participait à un tournoi de basket.
Il faut atteindre la fin de la seconde (et dernière) partie pour comprendre le titre "L'histoire suivante" (Het volgende verhaal). Bien après les années où il enseignait, Socrate a embarqué pour un ultime voyage sur un paquebot partant de Lisbonne pour rejoindre l'Amazonie. Il n'est plus alors le Socrate lecteur compulsif des "Métamorphoses" d'Ovide et fin connaisseur de la mythologie grecque, mais le Dr Strabon dont les guides touristiques envoient les Hollandais parcourir le monde. Cette ultime traversée est symbolique : chaque passager raconte l'histoire de sa mort, généralement accidentelle.
L'éditeur présente ce texte de Cees Nooteboom comme une méditation métaphysique; elle est construite de façon à surprendre. Elle n'exclut d'ailleurs pas l'humour, qu'il s'agisse d'éléments d'autoportrait du narrateur — « Hé, les gars, Socrate a mis un galurin de tantouze sur ses binocles »— ou de l'intérêt répétitif pour les auteurs anciens tel Hérodote : « J'ai toujours eu un faible pour ce naïf mythomane.» Tout bien réfléchi, on doit se réjouir de ce court roman de l'écrivain néerlandais né en 1933 et en conseiller la lecture.
• Cees NOOTEBOOM : L'histoire suivante. Traduit par Philippe Noble. Actes Sud, 1991 et Folio, 2000, 135 pages.