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Livaneli.gifIstanbul... Symbole de la richesse sur le Bosphore, un “yalı” vient de changer de propriétaires... La maison, la famille, la ville, l'empire, voilà quels sont les thèmes majeurs de ce roman intéressant et souvent même émouvant, œuvre d'un auteur qui est aussi musicien et chanteur.

La maison est un “yalı”, un palais des bords du Bosphore, côté anatolien, à Vaniköy. L'incipit met en scène Leyla, la Grande Dame ruinée, célibataire âgée, expulsée de la maison des jardiniers par les nouveaux acquéreurs du “yalı”. Parlant allemand français et anglais, musicienne, Leyla a reçu une éducation d'aristocrate ; sa famille est celle d'un pacha qui jadis, avant 1914, a dû quitter la Bosnie. La famille de Leyla aujourd'hui a disparu : elle en est la dernière représentante. Son père a été tué quelques mois avant sa naissance et sa mère est morte peu après l'avoir mis au monde. Elle a été élevée par des grands-parents dans la tradition impériale, alors que la République venait tout juste d'être installée. Une autre famille va se déchirer : celle d'Ömer Cevheroğlu, le banquier, ancien escroc et diplômé d'une université américaine, qui a épousé Necla, figure de l'arriviste prétentieuse et femme égoïste issue de la petite bourgeoisie. Necla déteste son beau-père Ali Yekta Bey parce qu'il est intendant d'une grande maison, comme son père avant lui et son aïeul venu de Syrie. Necla veut être la reine de son “yalı”, recevoir les nouveaux riches et surtout empêcher son beau-père, –ce domestique– de s'installer dans la plus belle chambre donnant sur le Bosphore ! Leyla et Ali Yekta représentent eux l'ancien monde, cosmopolite et cultivé, disparu avec la fin de l'Empire ottoman qui a détrôné la brillante Istanbul au profit de la médiocre Ankara. Troisième famille : celle que la jeune Roxy, chanteuse de rap sans succès revenue d'Allemagne, va finir par constituer avec le journaliste débutant, Yusuf Yilmaz. Roxy et Yusuf habitent Cihangir, un quartier animé proche de Beyoglu.

La demeure de Leyla évoque avec nostalgie l'empire disparu, aussi cosmopolite que l'était l'empire danubien des Habsbourg. « Cette histoire ne faisait pas de distinction entre Turcs, Bulgares, Serbes, Roums, Arméniens, Kurdes, Juifs, Tcherkesses ou bien encore Lazes. Certains étaient chassés de chez eux, les autres s'étaient appropriés leurs maisons. Ce drame était celui de millions de familles ». Comme eux, Leyla a perdu sa maison. Et Istanbul a perdu son empire. « Il existait trois façons pour un empire de s'écrouler : dans le premier cas, comme pour l'Empire romain, il disparaissait avec le temps, peu à peu. Le deuxième, l'Empire britannique. Dans ce cas de figure, le sujet des discussions c'est la liquidation planifiée : on planifie quel statut sera accordé, à quel pays et quand. Le troisième, l'Empire ottoman. Une nuit on se couche avec l'Empire et le lendemain on se réveille en République ».

Leyla ne retrouvera la sérénité que si elle retrouve sa maison de jardinier à l'ombre du grand magnolia. Le couple Cevheroğlu ne veut pas en entendre parler. Or l'affaire touche Ali Yekta et émeut Yusuf. Mais que peuvent-ils faire ? Ali Yekta ne vit que pour son fils. Et Yusuf pour Roxy. Le roman évolue de manière assez inattendue quand le Lodos, le vent venu de la mer Egée, se met à souffler sur Istanbul, perturbant le comportement de ses habitants... Un roman fort par un auteur à découvrir. C'est le troisième roman de Zülfü Livaneli traduit en français. L'auteur, né en 1946, est aussi connu comme ambassadeur de bonne volonté de l'UNESCO. Il est également cinéaste, compositeur, musicien. On peut écouter les interprétations musicales de Livaneli sur le site de Deezer.

 

Zülfü LIVANELI. La Maison de Leyla. Traduit du turc par Madeleine Zicavo. Gallimard, "Du Monde entier", 2012, 321 pages.

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE EUROPE, #TURQUIE
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