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C'est l'histoire d'Eva, l'histoire d'une fugue. Eva ne partage pas l'intérêt de Charles, son mari, pour les longues réceptions qui permettent à son esprit brillant de charmer ses invités. Eva Stoffel ne parvient pas à joindre Saül, un journaliste qui est aussi son amant. Elle va aussi se perdre dans une rêverie désespérée. Et quand elle en sortira, sa santé mentale sera définitivement massacrée par le suicide de Saül qui, lui aussi, a désespérément cherché à la joindre. Eva aura alors été abandonnée par l'élan vital : « derelitta ».

Comme le titre est maintenu en italien, cela fait songer à un tableau attribué à Sandro Botticelli. Un femme pleine de tristesse assise sur des marches devant une porte close. Mais cette peinture si colorée nous éloigne de l'atmosphère froide, nocturne, hivernale, battue par les tempêtes de la Manche, que l'on rencontre dans ce récit tragique.

 

Si nombre de chroniques ou de critiques font appel à l'incipit pour mettre le lecteur, la lectrice, en appétit, j'oserai ici évoquer le "finale" : Eva vient de revivre des airs d'opéras — et Vera Feyder écrit :

« La dernière page — souvent à moitié blanche — est au livre comme la dalle d'un caveau sous laquelle disparaît un être aimé à la folie, jusqu'au délire. Son corps glorieux, s'il en a un, n'appartient plus qu'à l'espace et au temps. Que l'un donc le prenne et l'autre le reprenne, da capo. La détresse, n'oublions pas, est pour celui qui reste, avec le dernier mot.»

Il y a plus qu'une touche d'autobiographie dans ce premier roman de Vera Feyder. L'héroïne souffre encore au souvenir d'un internat ou d'un hôpital où elle séjourna jeune fille et au détour d'une phrase elle fait allusion (page 33) à « l'agonie de son père à Auschwitz…» La fugueuse n'était pas une voyageuse sans bagage ; elle a extrait de sa bibliothèque  un volume de l'œuvre de Maine de Biran. Il n'empêche, en lisant la prose de Vera Feyder, c'est moins par l'introspection que l'on est aspiré que par une — sombre — poésie romantique, tant son écriture se rythme comme naturellement d'alexandrins qu'on s'arrête de temps à autre, et tout surpris, pour les considérer : « Le mal qui me berçait m'a enfin endormie.»

 

• Vera FEYDER : La derelitta. Stock, 1977 (épuisé). Rééditions : "La part commune", 183 pages ; Labor, Espace Nord, 1990.

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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