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Son père dirige un ashram dans le sud de l'Inde. Il a fait des études en Angleterre parce qu'il est de haute caste, puis un mariage avec Ana qui dirige une plantation en Mozambique. Au bout de Naipaul-Magic-seeds.jpgdix-huit ans il quitte brusquement Ana et l'Afrique quand éclatent des troubles et qu'une révolution menace les biens de la dame. Trouvant refuge à Berlin-Ouest auprès de sa sœur Sarojini qui travaille avec un réalisateur allemand à des documentaires politiques, notre homme se voit reprocher par elle son manque d'engagement. Il en convient.

Elle lui suggère alors de rejoindre en Inde un mouvement révolutionnaire et paysan voué à la libération des castes inférieures. Là, à peine introduit dans la guérilla rivale de celle de Kandapalli qu'il voulait rejoindre, il commence à en éprouver un sentiment de rejet. Il s'est encore trompé sur le sens de sa vie. Il s'avère plus difficile de quitter une guérilla que de prendre le métro : s'étant livré aux autorités, il est toutefois condamné et emprisonné avec d'autres guérilleros — qui l'insupportent par leurs discours gorgés d'idéologie. Sarojini, en grande sœur qui remplace les parents, obtient son expulsion vers l'Angleterre où elle ne vit plus, ayant choisi de revenir en Inde pour reprendre l'ashram familial et le convertir en attraction touristique.

De nouveau à Londres, cette fois-ci en pleine révolution des mœurs, notre homme rejoint un couple désuni d'amis du temps de ses études universitaires : Perdita, qui l'attire physiquement, et Roger, un riche avocat qui a contribué à sa libération des geôles indiennes. Roger lui expose en détail son aventure sexuelle avec une femme de milieu populaire. Grâce à un ami de Roger, snob et corrompu, il trouve un job dans une revue d'architecture. Au chapitre douze – intitulé "semences magiques" – il accompagne Roger à un mariage un peu particulier à l'ombre d'un château effondré. Son ami Marcus marie son fils très noir à une aristocrate anglaise très claire mais ruinée qui lui a donné une petite-fille blanche — c'était paraît-il le but que s'était fixé le grand-père.

Il y a donc des gens qui se fixent des buts à atteindre et les atteignent parce qu'ils ont prise sur leur destinée. Willie Chandran ne fait pas partie de ce monde-là ! Ce personnage hésitant et falot – que Naipaul a déjà présenté dans "La moitié d'une vie" – n'est évidemment pas un héros. Ni en Inde, ni en Afrique, ni à Londres. Ailleurs ce serait la même chose… Certaines nuits, pour faire venir le sommeil, Willie compte les lits où il a dormi. C'étaient tous les lits des autres, jamais le sien. L'allusion est limpide : Willie, exilé où qu'il vive, n'a pas réussi grand-chose dans sa vie... 

Parlons clair : à la page 175, vous pouvez refermer le livre car il y a de grandes chances que l'ennui vous assaille définitivement par la suite qui se déroule à Londres. J'ai aimé ce livre jusqu'à la page 174 parce que j'ai été fortement intéressé par l'aventure indienne de Willie. Il y a encore aujourd'hui en Inde des révoltes de ce genre — on pense en premier lieu aux naxalistes — elles se réclament du maoïsme et ravagent quelques campagnes du sud et de l'est du pays sans améliorer le sort des paysans qu'elles n'hésitent pas à abattre pour leur sécurité. Willie le constate suffisamment sur le terrain pour décider de rompre avec son désir de révolution sous les tropiques, désir qu'il n'avait pas eu durant son séjour en Afrique. Voilà qui ne place pas Naipaul en odeur de sainteté chez les tiers-mondistes — mais ce n'est pas nouveau. 

V.S. NAIPAUL : Semences magiques

Traduit de l'anglais par Suzanne V. Mayoux. Plon, Feux croisés, 2005, 288 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE ANGLAISE
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