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La littérature israëlienne n'est pas très populaire en France. Et cette sinistre (?) illustration de couverture, détail d'une œuvre picturale de Georg Baselitz n'était pas spécialement engageante. C'était un signe que je n'ai pas suivi. Ai-je eu tort ?
Il pleut l'hiver en Israël. La nuit durant laquelle se déroule cette histoire de la romancière née en 1964, il ne cesse de pleuvoir et même de grêler tandis que le vent souffle en tempête. Le parallèle est évident entre ce sale temps hivernal et le vécu des personnages, tous plus ou moins englués dans la morosité, et l'amertume, voire la colère. Ainsi le principal intérêt du roman est sans doute à chercher du côté de la lente montée des tensions qui aboutissent à un finale désolant.
Unité de temps, de lieu aussi. Ce thriller psychologique est presque un huis clos. De retour d'un luxueux repas gastronomique offert par Schlomo qui est leur patron, quatre cadres et deux secrétaires font une halte dans un bar. Avri, le conducteur, s'est perdu en quittant l'autoroute tant les intempéries l'ont gêné. Jo Ohanah tient ce bar depuis qu'il a quitté la marine. Il a engagé pour l'aider un jeune palestinien nommé Fadil, et un pianiste médiocre, Gadi, pour animer ses soirées. Il était tard, l'établissement était vide et Jo allait fermer : c'est alors que le van Chevrolet s'arrêta et que le groupe conduit par Avri prit possession des lieux, sans but bien précis et faute de mieux.
Malgré le festin dont ils reviennent, ces clients, ces intrus, ne sont pas joyeux. L'aîné d'entre eux, Gavish, est sur le point d'être licencié. Et les autres en viennent à supposer que l'entreprise va fermer, écrasée par la crise financière. Tour à tour les personnages du récit vont ressasser des épisodes de leurs vies, principalement le trio du bar et Lili, secrétaire et ancienne maîtresse de Schlomo. Tout à ses souvenirs de marin, Jo n'arrivera jamais à mettre un terme à cette soirée qui part en vrille. Les avances de Lili au pianiste dont la femme Héli a émigré, les rivalités entre les cadres, puis une longue panne d'électricité, tout devait conduire à une explosion de violences.
L'auteure maîtrise bien l'atmosphère de plus en plus lourde de cette soirée et les dégâts de la solitude qui a submergé la vie de plusieurs de ses personnages. Néanmoins, à plusieurs reprises, le lecteur sent venir l'ennui et il jette un coup d'œil à l'horloge murale au dessus du comptoir. Qu'on en finisse, c'était aussi l'avis de Jo le cafetier...!
• Ayelet SHAMIR - Un piano en hiver. Traduit de l'hébreu par Katherine Werchowski - Ch. Bourgois éd., 2010 [Tel Aviv, 2007], 357 pages.