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Renata Salecl, sociologue et philosophe, dénonce l'idéologie capitaliste contemporaine qui tend à nous persuader de notre totale liberté de choix; le culte de l'individu enjoint à chacun de "devenir soi-même", de se réaliser en choisissant sa vie amoureuse ou professionnelle, son mode de vie ou de consommation. Or il n'en est rien selon l'auteur : le "choix rationnel" demeure théorique, en réalité nul ne choisit toujours selon son intérêt ni en pleine lucidité. Les déterminismes socio-historiques, les pulsions inconscientes influencent nos choix et la société de consommation les multiplie à l'infini : choisir devient anxiogène car tout choix implique un renoncement.

 

L'individualisme intime à chacun d'être le créateur de lui-même, de s'aimer, de désirer être aimé tout en devenant de moins en moins capable d'aimer autrui. Cette aliénante illusion de liberté de choix confronte l'être humain à une angoissante solitude; il cherche alors conseil et on voit ainsi se multiplier les manuels de développement personnel, d'autothérapie, ou le recours à des coachs en tous domaines… Car s'il est totalement libre de ses choix, l'individu en est aussi pleinement responsable –serait pauvre ou chômeur celui qui l'a voulu!– En outre choisir implique de renoncer; s'il s'ensuit l'insatisfaction, voire l'échec, surgissent la frustration et la tentation de céder à un nouveau choix consumériste compensatoire. Choisir traumatise : la peur de ne pas "faire le bon choix" explique les nombreuses relations amoureuses sans lendemain ou le repli dans la procrastination.

 

Nul n'est un "self made man"; on choisit toujours en fonction du regard d'autrui, de l'identification à un modèle, de nos désirs inconscients ou du conformisme des modes. Invité à ne se soucier que de lui-même, l'individu reste captif de l'injonction de consommation et ne sait plus résister à cette "tyrannie du choix". Or, selon l'auteur, faire avec ce qu'il a et ce qu'il est c'est la vraie prise de conscience qui seule peut lui rendre sa liberté.

 

• Renata Salecl. La tyrannie du choix. Traduit de l'anglais par Sylvie Taussig. Albin Michel, 2012, 212 pages.

Lu par Kate

 

Tag(s) : #SCIENCES SOCIALES
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