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 Le réalisateur et scénariste Raúl Ruiz a quitté le Chili — où il est né en 1941 — après le coup d'état de Pinochet. Un auteur prolifique, mais une filmographie restreinte en DVD. Un de  ses plus récents films fut en 2006 une biographie du peintre autrichien Klimt. Les "Mystères de Lisbonne" sont d'un tout autre genre : un film-fleuve de 4h 30 inspiré du roman (1854) de Castelo Branco et également destiné à une diffusion par épisodes à la télévision. 

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Le roman qui inspire le scénario Une affiche du film


Le pluriel du titre est pleinement justifié par les intrigues qui s'entremêlent autour de deux personnages principaux. D'une part, Pedro da Silva (illustration 1), que l'on découvre orphelin, qui en voix off déclare : « J'avais quatorze ans et je ne savais pas qui j'étais…» donc une histoire qui s'oriente vers la recherche des parents biologiques. D'autre part celle du père Dinis, qui gère ce pensionnat (illustration 2), dont la vie a été compliquée, et qui lui aussi va découvrir une vérité romanesque concernant ses père et mère — après l'entr'acte. Sur les vies de ces deux héros se greffent des récits, enchanteurs énigmatiques et tragiques, qui déployent sous nos yeux la vie des nobles du passé, propriétaires de grandes fortunes et de vastes châteaux, amateurs de belles femmes, de bals et d'opéra — mais aussi un temps où à cause du droit d'aînesse, l'héritière pauvre allait expier par le mariage forcé, ici Ângela de Lima avec le comte de Santa Bárbara, puis la réclusion au couvent son aventure avec un amoureux sans le sou qui lui laisse un bâtard qu'on appelle João tout court.

 


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1. Pedro et sa mère

3. L'éclairage à la bougie

 au chevet de pedro

 

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2. A la pension du père Dinis

4. Le castelet 

 


La construction du film est en boucle. Le début et la fin se font écho : Pedro étendu sur un lit entre la vie et la mort. Mais le scénario n'est pas seulement chronologique. Il s'en écarte pour creuser l'aventure d'un personnage puis d'un autre ; il change de temps ; il change de lieu. Mais ce film en costumes n'accumule pas d'images touristiques, ni du Portugal, ni de France, ni de Venise. Le film est scandé par les images d'un castelet, (illustration 4) donné à Pedro par sa mère, et constituant comme l'introduction à chaque partie du scénario ; on pense ainsi aux cartons du temps du cinéma muet. L'écriture cinématographique de Raúl Ruiz comporte bien d'autres admirables particularités. Des plans-séquences très savamment composés, de lents et longs travellings nous placent aux antipodes du cinéma le plus populaire d'aujourd'hui. La caméra avance lentement en tournant autour d'un personnage pour nous faire embrasser toute la gravité d'une scène : ainsi l'accouchement tragique à Venise et le cabinet secret du père Dinis. La photographie maîtrise la lumière comme les meilleurs peintres anciens ; les bougies (illustration 3) plus que la lumière du jour éclairent les plus belles scènes, notamment les scènes intimes… Des mises en scène et des éclairages dignes de Georges de La Tour ou de Joseph Wright. 

En même temps, ce film, reprenant le monde du roman-feuilleton du XIXe siècle, avec son titre en clin d'œil à Eugène Sue, fonctionne à coups de rebondissements. Le redoutable tueur à gages Mange-Couteaux devient Alberto, un aristocrate raffiné. Le vieux moine respectable cachait un passé de coureur de jupons : il avait enlevé une séduisante châtelaine, fuguant ensemble jusqu'à Venise. Un soldat de Napoléon Ier devient un prêtre portugais. Un incendie fait périr une épouse adorée de son mari. Une séduisante orpheline se donne par jeu à Alberto et il s'ensuit un projet de vengeance. La vie, l'amour, la mort : voilà un film plein de passions autant que de mystères. Des acteurs à la fois portugais et français s'expriment dans ces deux langues tandis qu'une bande-son au romantisme lancinant nous berce. 

Si ce film est diffusé près de chez vous, courez-y sans attendre la diffusion en feuilleton par arte en 2011. Une pure merveille où s'immerger. « Le plus beau film depuis l'invention du cinéma » va jusqu'à affirmer un commentateur ! Prix Louis Delluc, décembre 2010.

 

Les Mystères de Lisbonne, film de Raúl RUIZ

2010, 4 h 30 min.

Bande annonce

• Sur Raúl Ruiz (www.commeaucinema.com)

• Sur Camile Castelo Branco (page en anglais)

• Roman bientôt disponible en français chez Michel Lafon, mars 2011.


Tag(s) : #AU CINEMA
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