L'action d'"Oncle Anghel" se situe dans les campagnes roumaines, non loin des bouches du Danube. Le roman est organisé en trois récits. Dans le premier, le jeune Adrien présente sa famille de paysans pauvres. Pour Pâques sa mère a invité l'oncle Anghel à venir tenter de se réconcilier avec le reste de la famille qu'il boude depuis qu'il est veuf et que ses enfants ont péri tragiquement. Dans le second récit, quelques années plus tard, l'oncle Anghel se meurt, dans les ruines de son cabaret, veuf, décharné et alcoolique, mais l'esprit en éveil : il a appelé à ses côtés son neveu Adrien pour le mettre en garde contre les périls de l'existence et l'orienter vers la sagesse et une vie dirigée par des choix éthiques. Alors que l'oncle se meurt survient un visiteur âgé, Jérémie, qui raconte l'histoire de son père, Cosma, un célèbre bandit de grand chemin en même temps que « l'homme le plus passionné de son temps ».
La couleur locale est omniprésente dans "Cosma". Le récit de Jérémie se situe vers la fin de la domination ottomane sur les Balkans. Floarea, alias Floritchica —petite fleur—, n'a pas seulement connu Cosma le « haïdouc », l'aventurier, le rebelle. Aventurière elle-même, elle a aussi séduit tel « boïar », ou tel pacha, et particulièrement l'archonte Samourakis — des rivaux que dans sa jalousie Cosma entend bien faire disparaître tout en menant son action de justicier au service du peuple opprimé. Gouverneur de province, Samourakis a retenu prisonnier le jeune Jérémie après avoir organisé une opération militaire contre les bandits. Cosma devra imaginer un moyen de délivrer son fils en même temps que la belle et se venger du gouverneur protégé par sa garde de soldats albanais. Avec son frère Elie, ils se déguiseront en moines itinérants du Mont Athos venus mendier pour l'entretien d'un prétendu monastère Saint-Ghérasim. Des pages hautement savoureuses... accompagnées de « tzouïca », l'eau-de-vie de prunes !
Venu de Roumanie pour se soigner dans un sanatorium suisse en 1918, Panaït Istrati y devint francophone... C'est ainsi que l'un des principaux auteurs roumains du XXe siècle n'a écrit qu'en français tout en étant devenu, comme l'évoque Joseph Kessel dans sa préface, le client régulier des cabarets russes du Montparnasse des années vingt. « Istrati demeurait intact, inaltérable, et montrait à Paris la simplicité, la spontanéité, la joie de conter qui avaient été les siennes dans les bas-fonds d'Alexandrie, les tavernes roumaines, sur les quais du Pirée ou le pont d'un vieux cargo de contrebande.» Succédant à "Kyra Kyralina", son premier succès en 1924, "Oncle Anghel" précède de trois ans "Les chardons du Baragan" qui lui apporta la gloire littéraire. Son récit de voyage en URSS, "Vers l'autre flamme", lui valut au contraire les foudres de la presse de gauche et il revint mourir à Bucarest en 1935.
• Panaït Istrati. Oncle Anghel. - Préface de Joseph Kessel. Gallimard, 1968, réédition de 1992, 215 pages.