La Sicile en été, au milieu des champs de blé, tandis que la moisson bat son plein et que les premiers orages vont mettre un terme à la canicule étouffante, voici Acqua Traverse, juste quelques maisons. Une poignée de gamins, dont Michele le narrateur, passe le temps à faire du vélo dans les collines aux chemins poussiéreux et parmi les blés, parfois jusqu'à une ferme en ruines. On pourrait s'y cacher pour jouer...
Outre Michele Armitrano, dix ans, et sa petite sœur Maria, le monde des gamins comprend notamment Rackam le chef de bande, Barbara la fille un peu rondelette, Salvatore le fils des riches qui partage avec Michele une passion pour les équipes de football. Du côté des adultes, le roman nous montre les parents de Michele : une mère bonne cuisinière et un père qui fait du transport routier entre Nord et Sud avec son camion Fiat. Et aussi Felice, Melichetti le fermier qui élève des cochons voraces, et le barbier, et la famille Scardaccione, riches propriétaires fonciers. Un jour, Michele trouve son père en discussion avec « le vieux », un invité arrivé dans une grosse voiture « avec un viseur sur le capot »… et qui s'installe pour quelques jours. Le vieux partage la chambre de Michele et va jusqu'à lui raconter des histoires personnelles et lui parler de ses fils, et de sa femme restée au Brésil.
Lors d'une virée à vélo sur la colline, Michele a pénétré dans la ferme en ruines et découvert l'otage qui y est enchaîné, un garçon de son âge, que d'abord il a cru mort. Dans l'instant il en a fait son secret — l'omerta s'apprend de bonne heure. Bientôt la télévision montre la mère de l'otage implorant qu'on libère Filippo qui a été kidnappé à Pavie ; comme les autres, Michele voit l'émission. Il a aussi constaté que Felice, le fier-à-bras du village, est chargé d'alimenter et de surveiller l'otage — mais les enfants n'utilisent pas ce mot, non plus qu' "enlèvement" ou que "mafia". Ça c'est la langue des grands et des médias. Michele se construit toute une histoire autour de Filippo, s'imaginant pouvoir continuer à aller lui rendre visite sans provoquer de réaction des adultes, malgré de sérieux avertissements qui ne lui font pas peur. Naturellement, les choses se passeront mal. Surtout si la rançon n'est pas versée.
Dans l'écriture d'Ammaniti, les choses sont adroitement suggérées, ou racontées à hauteur d'enfant, comme Michele les voit et les vit, ce qui exclut une lecture sociologique de l'intrigue. De nombreux dialogues, très vivants, font que ce roman trépidant se dévore à toute allure. Un film en a été tiré par Gabriele Salvatores (Io non ho paura) en 2003.
Niccolò AMMANITI - Je n'ai pas peur - Livre de Poche, 2010. [Einaudi, 2001].