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Satire de la guerre menée par l'Italie mussolinienne dans les Balkans, satire de la résistance communiste qui lui tint tête, "Un héros à dos d'âne" doit son titre à un épisode de la fin du livre, quand Malitch, le prétendu résistant communiste, est conduit piteusement par les paysans monténégrins dans le bourg dont les Italiens Bulatovic.jpgviennent de se retirer suite à la capitulation de septembre 1943.

Dans son imagination prolifique, le romancier a multiplié les personnages tant et si bien que l'on conseille au lecteur d'en dresser la liste... L'armée italienne qui a déjà eu bien des soucis en Grèce et en Albanie, est caricaturée ici avec toute une escouade de personnages. Dès l'incipit nous faisons connaissance avec le colonel Spartaco Allegretti, nu, en pleine séance de culture physique. Viennent ensuite le major Peduto (entiché de métaphores et du mot "pornographie"), le capitaine Brambilla, quelques lieutenants et des soldats : les sardes Turiddu Barbagallo (pilote de l'avion du colonel) et Pietro Portulu (de garde près du tank), ainsi que les soldats Paolone et Napolitano, qui poussent la chansonnette en l'honneur de la pilosité intime d'une certaine Lucrezia. Tous se retrouvent pour boire le raki (beaucoup trop de raki) au bistrot de Groubane Malitch où ils ont aussi le plaisir de lutiner les filles "peinturlurées" et de détailler les photos coquines qui ornent les murs. La population monténégrine se complète aussi d'un gros pope orthodoxe et d'un petit hodja dont les relations avec l'occupant sont cordiales : ils semblent n'avoir en tête que de faire arrêter Malitch parce qu'il se dit ouvertement athée et communiste. Les officiers italiens, même lorsqu'arrive le général Besta aux vingt valises, tendent à penser qu'il n'est pas nécessaire de mettre en prison le révolutionnaire du bistrot qu'ils ne prennent pas au sérieux. Celui-ci se fait d'ailleurs dépouiller de son argent par des petits malins en lunettes noires qui jouent de sa naïveté : Malitch les prend pour les envoyés du Parti !

Tandis que la bourgade est menacée par les unités des résistants yougoslaves qui l'encerclent, la grande occupation des troupes du Duce est le sexe. Le colonel Allegretti, qui vient d'apprendre la naissance d'un cinquième enfant (conçu lors de l'occupation de la Grèce), s'est mis en tête de devenir l'amant de l'aguichante Marika Popovic, officiellement fiancée au capitaine Brambilla depuis le départ du colonel Enzo Fabiani. Cela donne des scènes torrides, en même temps qu'hilarantes dans la chambre du colonel. Les putains à soldats ont d'ailleurs fort à faire : les troupes du Duce paraissent plus douées pour l'amour que  pour la guerre. Les exploits amoureux sont accompagnés de chansons obscènes et de flots de raki (ou de slivovic). Dans ce Clochemerle en guerre, la tragédie pourtant doit survenir. L'arrestation de Rachko, la brute épaisse prise pour un dangereux leader de la résistance, déclenche un premier drame : en s'évadant il tue le soldat Pietro — qui était amoureux de l'inaccessible Malika. Dès lors tout va de mal en pis et voilà que Malitch veut fermer boutique ! Fuites, coups de théâtre, poursuites, meurtres… Toute la fin du roman est pleine de rebondissements, passant du cocasse au grotesque, selon le rythme effréné propre à un film d'Emir Kusturica.

• Miodrag Bulatovic est né en 1930 dans un village du Monténégro. Il a été un des auteurs serbes les plus traduits et il est mort en 1991 au bord des Bouches de Kotor dans une ex-Yougoslavie de nouveau en guerre.

Miodrag BULATOVIĆ Le héros à dos d'âne.

Traduit du serbo-croate par Claude Bailly, Le Seuil,1965, 378 pages.

 

 

Tag(s) : #EUROPE CENTRALE ET BALKANIQUE, #MONTENEGRO, #YOUGOSLAVIE
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