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L'affaire se présentant comme le recueil des relations orageuses entre une maîtresse de maison et sa femme de ménage, ce roman m'a d'abord paru très éloigné de mes centres d'intérêt et j'ai bien cru devoir en abandonner la lecture, malgré le flatteur Prix Fémina étranger de 2003. Mais à partir du chapitre "La glace de Murano" où Emerence déclare qu'elle recevra une personne de marque chez Szabo-Porte.jpegses employeurs, je me suis ressaisi et le livre s'est même cramponné à moi.

Emerence Szeredas n'est pas une simple employée de maison : elle est aussi la gardienne d'un immeuble voisin de celui de la narratrice qu'on découvrira sur le tard s'appeler elle-même Magda… L'histoire se déroule à Budapest vers la fin de l'époque communiste — la publication originale date de 1987 — et l'on remarque plusieurs allusions au passé national. Mais pour Emerence le pouvoir est haïssable, quelle que soit son idéologie fondatrice. Il n'y a que des humains, qui peuvent ou non lui plaire, moins souvent d'ailleurs que les animaux avec qui elle semble s'entendre au mieux — comme ses chats ou le chien Viola, héritier du nom d'une génisse ! Elle n'accepte pas qu'on entre chez elle, qu'on franchisse sa porte, d'où le titre du récit. C'est qu'Emerence est un personnage, non seulement comme tout personnage de roman, mais comme un personne dont on dit " C'est un drôle de personnage !" ou bien " C'est un fichu caractère !"

Effectivement. Qu'il s'agisse de sa jeunesse, des temps troublés des années quarante, ou des vingt ans passés au service du Magda, Emerence fait parler d'elle. Encore jeune fille de la campagne, les trois morts dont elle est en partie responsable ne peuvent que jeter une suspicion sur elle. Il en ira de même à la ville, mais je ne veux pas dévoiler pourquoi la police interviendra chez elle au point qu'un officier deviendra en quelque sorte son garant. À diverses reprises les relations d'Emerence et de Magda tournent au clash, à la haine, mais finissent pas s'arranger, du moins tant que la santé chancelante de la première ne vient pas se télescoper avec les activités croissantes de la seconde, devenue écrivain à succès et aspirée par les mondanités. La fin sera dramatique — on le sait dès l'incipit, puisque la narratrice affirme non sans une certaine exagération due à sa mauvaise conscience : « c'est moi qui ai tué Emerence.» En forçant sa porte.

Au-delà du symbole d'une porte qui doit rester inviolée, se trouve posée la question de savoir si le traumatisme subi dans l'enfance par Emerence suffit à expliquer ses alternances de haine brutale et de générosité envers les autres. Par ailleurs, il est difficile de croire que la narratrice — l'auteure ?—  puisse accepter de la part de son employée autant de réactions d'anti-intellectualisme et d'insolence. Une lecture à conseiller aux amateurs et amatrices de romans psychologiques.

 

Magda SZABÓ  :  La Porte.

Traduit du hongrois par Chantal Philippe. Viviane Hamy, 2003, 276 pages.

 

• Un compte-rendu plus développé chez Claudialucia.

 

 

Tag(s) : #EUROPE CENTRALE ET BALKANIQUE
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