Ce romancier, né à Porto Alegre en 1945, s'est largement consacré à peindre le Brésil d'autrefois. Sous-titré « Une aventure à l'époque de l'Inquisition », le texte nous fait remonter le temps jusqu'au début du XVIIIe siècle.
Personnage principal, Francisco Abiaru est un sculpteur guarani talentueux, formé dans une mission des Jésuites. En route vers Buenos Aires, son embarcation chargée de saints fait naufrage sur le rio de la Plata. Le sculpteur indien doit son salut à une de ses œuvres — un Christ en croix — à laquelle il s'accroche. Il est repêché, avec son œuvre, par une galère portugaise qui rejoint Rio de Janeiro. Un frère bénédictin l'accuse d'hérésie à cause des yeux en amandes du Christ. En prison, Abiaru est mis en présence de nombreux détenus poursuivis pour leurs convictions religieuses et il fait la connaissance d'un prêtre catholique d'origine juive — que le Saint Office soupçonne — Vasco Antônio da Costa alias Moises Israel. Placé grâce à lui chez le maître sculpteur Domingos, Abiaru continue de créer en marge de la tradition européenne. Bientôt il se retrouve, avec d'autres prévenus, face au visiteur envoyé du Portugal par le Saint Office...
L'intérêt du roman est de nous faire découvrir un Brésil colonial, bien plus bigarré que la lointaine métropole. Les ordres catholiques eux mêmes — Bénédictins, Jésuites, Franciscains, Carmélites — sont divisés sur la question indienne et l'esclavage. Le lecteur est confronté à un Brésil déjà métisse et syncrétiste tandis que la figure du sculpteur guarani illustre une certaine posture de résistance face à la colonisation portugaise. Par ailleurs, Petrus Cornelius, un prisonnier calviniste et inventeur d'une étrange machine volante, témoigne du temps où Récife avait été pris par les Hollandais. Avec lui et le sculpteur guarani, d'autres figures comme celle de la reine Hécube, porteuse d'un animisme venu d'Afrique, sont susceptibles de montrer au visiteur du Saint Office l'impossibilité de faire du Brésil une terre purement catholique.
Extraits:
« Si ce que disait un prêtre italien est correct, que le Brésil est l'enfer des nègres, le purgatoire des blancs et la paradis des mulâtres, où se trouvent alors les Indiens dans cette énumération ?» (page 183).
« Partout il y a des devins, des magiciens, des serpents qui parlent, des hommes qui se transforment en lézards, des chèvres qui donnent du sang au lieu de lait, des femmes possédées par les génies des ténèbres. (…) On ne peut se fier à personne, tous les nègres portent des gris-gris et des diables familiers dans des amphores, tous les blancs sont corrompus, blasphèment et prennent part aux messes noires les vendredis, beaucoup gardent des hosties bénies chez eux et en fabriquent des amulettes souillées de sacrilège. La terre est baignée de mystères venus avec la religion des esclaves, et qui, ici, se sont mélangés avec les croyances des Indiens. Comparées avec ce qu'on voit ici, les sorcières brulées sont plutôt des moines en Europe. Ici, on a perdu la notion de péché.» (pages 175-176).
• Luiz Antonio de ASSIS BRASIL - Bréviaire des terres du Brésil
Traduit par Celso Libânio et Dominique Olivier - Le Temps des Cerises, 2005, 237 pages.