• "Seventeen" se présente comme un récit autobiographique. Le narrateur vient d'avoir dix-sept ans. C'est un adolescent en crise, mal dans sa peau, mal dans sa famille où l'on communique peu ; c'est un ancien bon élève en train de décrocher, ratant ses examens blancs de japonais, de maths et de sport. « A dix-sept ans, j'étais déjà sur la pente descendante.» Réfugié dans la masturbation et culpabilisant après avoir blessé sa sœur, il continue son autoportrait négatif : « moi rougissant et empoté… un "seventeen" pitoyable et laid.» C'est alors qu'un copain de classe bien avisé lui propose de gagner de l'argent de poche en venant faire la claque pour « un mec de droite qui fait des discours devant la gare de Shimbashi ». Cet agitateur vociférant, Kunihiko Sakakibara, dirige l'Action impériale. Ses « élucubrations » haineuses attirent l'adolescent qui rejoint l'organisation et avoue : « J'étais devenu une autre personnalité. J'étais converti.» Sa Majesté Impériale lui étant apparu en vision dans un salon de massage, le voilà bientôt « au comble du bonheur » prêt à castagner les gauchistes ou même à « fomenter un coup d'Etat ». Dans ce texte, l'écriture de Kenzaburô Ôé pastiche efficacement l'enfance d'un chef passant de la frustration sexuelle à la volonté de puissance. Une lecture captivante qui éclaire aussi sur la société japonaise après la guerre et le malaise des relations avec les Etats-Unis passés du statut d'occupants à celui d'alliés avec le traité de 1960 qui cause des réactions violentes d'opposition.
• Quand cette "nouvelle" a été publiée au Japon en 1961, Kenzaburô Ôé était un jeune écrivain de vingt-six ans. Il lui donna aussitôt une suite, "Un jeune militant meurt", le tout faisant un roman montrant comment un adolescent en crise se fait recruter par un mouvement d'extrême-droite puis — dans la partie non publiée en français — assassine le leader du parti socialiste et finit par se pendre en prison. Dans la réalité, Ôé s'est inspiré d'un fait divers : en 1960 le leader socialiste Inejirô Asanuma a été poignardé par un militant de dix-sept ans, Otoya Yamaguchi, comme il le rapporte dans "Lettres aux années de nostalgie" (Gallimard, 1993). La publication de cette seconde partie a été suivie au Japon de menaces à l'endroit de l'écrivain, y compris des menaces de mort. Devant la violence de ces réactions, l'auteur décida de ne plus publier la seconde partie. On peut cependant la lire sous le titre "Il figlio dell'imperatore" chez un éditeur vénitien (Marsilio, 1997).
Kenzburô Ôé - Seventeen. Gallimard, 2011, Folio 2 €. 92 pages. "Seventeen" figure aussi dans le recueil "Le faste des morts". Traduit par Ryôji Nakamura et René de Ceccaty.