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Rios-Cortege-des-ombres.jpegAvec comme justification le sous-titre "Le Roman de Tamoga", ce mince volume est constitué de nouvelles qui se recoupent pour former un ensemble cohérent. Tamoga est une petite ville imaginaire de la côte atlantique, en Galice, près de la frontière portugaise — dans la réalité c'est le toponyme d'un village de l'intérieur. Comme dans les petites villes de la définition "tout le monde s'y connaît", aussi n'est-il pas surprenant que certains personnages sautent d'une nouvelle à une autre.

 

Ces neuf fictions que Julián Ríos a rédigées vers la fin du franquisme pourraient se situer à un date imprécise. Mais l'une d'entre elles décrit un épisode qui se réfère clairement au début de l'insurrection contre la République : c'est "Une partie de chasse en juillet" avec l'indication « quand on apprit à Tamoga la rébellion des militaires, deux jours après l'événement». Dans cette nouvelle, Celso Castillo, un tailleur républicain, dont le frère a tenté de faire évader de prison des rouges notoires, est enlevé chez lui par une bande de fascistes dirigée par le docteur Lago, et ils vont l'exécuter en pleine forêt en le tuant comme du gibier. Trente ans plus tard, le fils du tailleur revient dans la région à bord d'une voiture immatriculée en France pour venger son père en abattant le docteur Lago ("Dies Irae"). On trouve évidemment d'autres passages d'une nouvelle à une autre, mais sans le contexte de la guerre d'Espagne. C'est que l'originalité de ce "roman de Tamoga" est ailleurs et le titre en est l'indice.

Le "cortège des ombres" est construit par la chute de chaque nouvelle : toutes se terminent par une mort violente. Dans "Histoire de Mortès", un voyageur de commerce, se suicide sur la plage. Dans "Les Ombres", Doña Sacramento est brûlée vive dans sa maison. Quant au pharmacien Elias Rocha… on n'en dira pas davantage.

Les vies qui se concluent ainsi dans la violence et l'horreur nous parlent entre autres du vice du jeu, de jalousie et de sexe. Palonzo, justement, est un idiot du village recueilli sur le tard par une veuve solitaire. Pour se distraire le samedi soir, les villageois vont chez Corisco qui « amenait de la grande ville deux ou trois femmes…» et pour renouveler l'intérêt ils y mènent Palonzo et se font voyeurs : « Un phénomène. À se pâmer de saisissement. Un baudet capable d'éreinter ces femmes d'expérience dans un à-n'en-plus-finir haletant... On échangeait des paris, de plus en plus aventureux…» Dans la nouvelle suivante, la blonde Adoración «  qui dansait nue dans le magasin de Corisco » devient la fidèle épouse du tailleur Castillo. Et tout ça, rien qu'à Tamoga.

• Décidément, ce "Cortège des Ombres" est un petit bijou. Merci Julián Ríos, qualifié par Carlos Fuentès d' « écrivain le plus inventif et le plus créatif dans la langue espagnole.» Après Cervantès je présume…

 

• Julian RIOS  -  Cortège des ombres. Traduit par Geneviève Duchêne. Tristram, 2008, 149 pages.

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE ESPAGNOLE
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