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   Jeanne Benameur signe ici un roman puissant où le réalisme sensuel colore une fable philosophique sur la vie, la mort et le doute, au coeur même de la conscience humaine. L'improbable intrigue vaut par les cheminements intérieurs auxquels elle donne forme.Benameur.jpg

   Ancien chirurgien nonagénaire, Octave Lassalle entend "sauver sa peau" plus psychologique que physique. En recrutant trois femmes et un homme il reconstitue son équipe comme jadis à l'hôpital : chacun selon sa tranche horaire va l'aider à demeurer vivant. Tous, comme aimantés, acceptent cet étrange emploi : "liés ensemble jusqu'au bout" par des "liens invisibles", chacun se transforme et dépasse ses propres blessures. Le projet du vieil homme n'a rien d'égoïste : l'être ensemble assure le mieux vivre de chacun. Marc, orphelin mal aimé, solitaire taiseux traumatisé par la guerre en Afrique réussit à vaincre ses inhibitions ; Hélène, artiste peintre découvre le sens de sa vocation ; Yolande, vendeuse esseulée s'ouvre à l'amour ;  Béatrice, élève infirmière, trouve en Octave le père qu'elle n'a pas eu et peut enfin s'autoriser à vivre.

  Tous sont "profanes", athées, étrangers à toute certitude dogmatique : le doute les habite. Octave les guide en leur déclarant : "Ma foi, elle est dans les êtres humains" ; le seul sacré pour lui, c'est la vie. Il cherche à "ouvrir le temps, pas à abolir la mort car elle n'est qu'un point, pas une frontière". Grâce aux liens qui se tissent entre eux à leur insu, tous parviennent à "refaire du vivant " avec le mort de leur passé. Tous ces profanes deviennent des initiés de la communauté humaine.

   À contre courant des actuelles tendances aux classements manichéens et aux certitudes revendiquées comme vérités, Jeanne Benameur nous fait prendre conscience du complexe foisonnement du monde, nous rappelle la permanence du doute, anxiogène et fondateur, au fondement de la condition humaine. Cette profane nous invite à partager l'unique credo qui vaille : la foi en l'homme.

• Jeanne BENAMEUR : Profanes. Actes Sud / Leméac, 2013, 273 pages.

 Chroniqué par Kate

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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