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Non, Jean Rolin n'a pas visité de terminal frigorifique dans sa tournée Rolin-Terminal-Frigo.jpegdes ports de métropole, mais il aurait bien pu. De Saint-Nazaire à Dunkerque, du Havre à La Pallice, du Verdon à Sète ou à Calais, les promenades pédestres de Jean Rolin se donnent l'allure d'enquêtes paresseuses sur le terrain alentour de l'activité portuaire, avec des haltes dans chaque Seamen's Center et les bistrots glauques à la périphérie des zones portuaires. Au fil des anecdotes, qui s'étendent de 2002 à 2004, ses interlocuteurs sont des dockers syndicalistes, des retraités de la marine, des migrants clandestins en route vers Londres, des ouvriers indiens, et des marins en activité dont beaucoup de catholiques philippins.

À Saint-Nazaire Jean Rolin évoque la sortie mouvementée du Jean Bart sous le nez de l'armée allemande en juin 1940. Il est à Saint-Nazaire au moment de la catastrophe qui coûta la vie à quinze visiteurs du Queen Mary 2. Il y était déjà l'année précédente pour rencontrer un ingénieur indien au service d'une société de sous-traitance. À Dunkerque, il s'agit surtout de la transformation du travail des dockers dont le métier a été réorganisé en 1992, avec une nette diminution des effectifs, et une forte tension syndicale soulignée par des portraits de personnalités rivales. Témoin des gestes des hommes, Jean Rolin se prend aussi d'affection pour les bateaux qu'il a connus. Il débusque leur changement de nom — que la peinture cherche à masquer — ou leur nouveau pavillon en consultant le Lloyd's Register of Shipping où il découvre ce qu'est devenu un cargo de l'armement français Louis-Dreyfus : « anchored off Manila…» depuis 1984 « cette dernière indication ne laissant rien présager de bon pour lui, dans la mesure où la capitale des Philippines n'est pas très éloignée des principaux chantiers de démolition navale.»

Les pérégrinations de l'auteur au Havre lui permettent des considérations pédagogiques sur les porte-conteneurs dont la multiplication a changé le travail dans les ports en y introduisant la manutention avec des portiques géants et une organisation sans précédent. « L'Américain avait parié sur des navires énormes, pour l'époque, et assez lents, par souci d'économie d'énergie, chargés uniquement de conteneurs de 40 pieds — les plus grands —, tournant autour du globe dans un seul sens et desservant un petit nombre de ports… Le Chinois, lui-même ancien marin, paria sur des navires moins gros et plus nombreux, tournant dans les deux sens avec des conteneurs des deux sortes — 20 pieds et 40 pieds — et marquant un plus grand nombre d'escales.» L'un est Malcolm McLean qui passe pour l'inventeur du "container" et l'autre son habile rival chinois le taiwanais Chang, fondateur d'Evergreen, dont les boîtes vertes sont aujourd'hui présentes sur tous les terminaux.

• Avec ce récit quand même un peu trop destructuré, Jean Rolin a cherché à initier les lecteurs français aux choses maritimes, sujet hélas peu présent dans la littérature "sérieuse". Très loin du marin de la légende, qu'attend une femme à chaque escale…

Jean ROLIN :  Terminal Frigo. - POL, 2005, 250 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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