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Bouvet-Camion-poupee.jpgLa recherche française s'intéresse peu aux différences cérébrales entre homme et femme. C'est en se fondant sur des expérimentations surtout anglo-saxonnes très récentes que le neurobiologiste J-F. Bouvet réfute autant la thèse du déterminisme biologique —le cerveau sexué selon la psychologue Kimura—, que celle des gender studies —le cerveau genré défendu par Judith Butler comme le produit de l'éducation et de l'environnement socioculturel. Le chercheur rejoint la position de son homologue C. Vidal : il existe bien des différences et une sexualisation des cerveaux masculin et féminin. Si on ne peut faire l'impasse sur les données biologiques, la part d'inné en chaque individu reste intriquée à ses acquis éducatifs et culturels. Contrairement à ce qu'affirmait S. de Beauvoir, on naît bel et bien femme ou homme.

• Les différences anatomiques, certes limitées, existent : le cortex du cerveau féminin, par exemple, est en certaines zones plus épais que le masculin. Les aptitudes cérébrales et les facultés mentales diffèrent aussi : le cerveau masculin maîtrise mieux l'orientation spatiale, le féminin les associations d'idées… C'est en raison d'une poignée de gènes situés sur le chromosome Y qui ne s'expriment pas de la même manière dans les deux cerveaux. C'est également l'effet des hormones : les fluctuations hormonales influencent le comportement cérébral de la femme, la testostérone celui de l'homme. Elle le porte moins à l'empathie que la femme sauf lorsqu'il devient père et que sa sécrétion de testostérone baisse de 30%. Cette hormone joue aussi un rôle dans certaines maladies mentales comme l'autisme ; elle induit l'agressivité masculine naturelle : à dix-sept mois, 5% des garçons mordent et tapent, et seulement 1% des filles… De même les expérimentations menées sur des grands singes, les vervets et les macaques rhésus, ont démontré la préférence des mâles pour les jouets à roues et celle des femelles pour les peluches : l'attirance des petits pour le camion ou la poupée n'est donc pas uniquement éducative.

J.F. Bouvet invite à dépasser les interprétations idéologiques, sexistes et racistes des chercheurs du 19° siècle comme de Broca : que le cerveau féminin soit plus petit et moins lourd n'entraîne pas une moindre intelligence  féminine !

Car les fonctions cérébrales dépendent des réseaux neuronaux qui sans cesse se réorganisent, jusqu'à un âge avancé grâce aux interactions de l'individu avec son environnement. J.F. Bouvet rassure : "on n'est ni imbécile ni intelligent à vie"! Cette merveilleuse plasticité du cerveau se module selon le contexte éducatif et parfois inhibe : si les filles peinent en mathématiques c'est d'avoir été convaincues de leur incompétence alors qu'elles peuvent y exceller autant que les garçons! Pauvres victimes du stéréotype de genre! Reste que la différence la plus radicale concerne la sexualité : lors de l'excitation sexuelle, la jouissance du cerveau féminin est telle qu'il se désactive totalement durant l'orgasme, ce qui n'est pas le cas pour l'homme…

• J.F. Bouvet amène à dépasser la vieille dichotomie nature/culture : même si le cerveau n'est pas biologiquement programmé, il n'est pas non plus construit par le seul contexte culturel : des différences innées existent, mais on ignore encore le degré de leurs effets. Même le nourrisson n'est pas une cire vierge. S. Baron-Cohen et son équipe ont présenté à des nouveau-nés d'un jour le visage d'une étudiante et un mobile schématisant un nez et des yeux portant les  mêmes couleurs que le visage : les petites filles ont regardé le visage, les petits garçons le mobile! Au premier jour de leur existence! Troublant…

 

• Jean-François Bouvet : Le camion et la poupée. L'homme et la femme ont-ils un cerveau différent ? - Flammarion, 2012, 231 pages.  

 

 

 

 

Tag(s) : #ANTHROPOLOGIE
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