Akihiko Kenkoji doit épouser dans 123 jours la belle Machi qui aime les livres de Mishima et de Tanizaki. Il est maître de conférences dans une université de province où elle est bibliothécaire. Le temps d'un week-end, ils descendent dans sa famille à elle, près de Kyoto, pour faire connaissance. Leur nuit de couple à l'hôtel est bien décevante... Le lendemain la réunion familiale se tient dans un établissement thermal que possède la sœur aînée de Machi, une célibataire pleine de « charisme ». Une cérémonie au temple bouddhiste et une fête traditionnelle au sanctuaire shinto doivent aussi rendre ce séjour mémorable. Mais le doute a germé dans l'esprit d'Akihiko.
Une première lettre anonyme lui a été remise avant son départ. Le professeur H — vite identifié par Akihiko comme étant son supérieur le professeur Hisamatsu— aurait une liaison avec la bibliothécaire M. Voilà qui expliquerait la panne de sa libido. S'agirait-il d'une mauvaise plaisanterie ? Mais une seconde lettre lui est adressée au cours du séjour dans la station thermale. On y décrit de manière plus explicite encore les relations du couple, avec des détails propres à l'appartement de la jeune femme ! Inquiet, Akihiko garde le secret mais perd la seconde lettre au cours d'une promenade dans un parc proche de l'auberge. Plus tard, la sœur aînée qu'il a rencontrée au bain mixte lui rend l'enveloppe : vide... Cette femme est-elle « Une femme dépravée qui dévorait les hommes avec avidité » ?
Il pourrait s'ensuivre une enquête méticuleuse et des discussions agitées entre les fiancés. Au lieu de quoi Akihiko se perd dans des réflexions sinueuses. L'auteur choisit de s'éloigner d'une intrigue policière éculée et lui préfère une étude psychologique bien particulière puisqu'elle se conjugue, entre autres, à des références mythologiques japonaises pour donner un récit qui laisse finalement place à un certain onirisme. La fête traditionnelle met en scène deux dragons et un prince du temps passé, Jiten, dont Machi aime à se dire la réincarnation, ainsi qu'une nourrice un peu sorcière le lui a révélé. Se pourrait-il que le professeur H soit venu jouer le rôle du prince et que le dragon qui reste en scène soit la participation de l'une ou l'autre des deux sœurs? Akihiko est fasciné par cette cérémonie secrète qui le provoque et où le titre du roman trouve son explication. Cette œuvre raffinée, écrite avec soin, nous fait connaître un auteur contemporain dont Actes Sud a également publié "Les pierres" en 1996.
• Hikaru Okuizumi : La nuit où le serpent fut tué.
Traduit du japonais par Pascale Simon et Tomonori Okubo. Actes Sud, 2002. 187 pages