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La romancière nobélisée en 2009 est née en Roumanie en 1953 dans un village germanophone proche de Timisoara. Ecrit sous la dictature de Ceaucescu, ce livre qui y était interdit par la Securitate fut publié à Berlin en 1986. L’année suivante, en tant que Souabe du Banat, Herta Müller réussit à émigrer vers l’Allemagne. Il peut donc y avoir une part autobiographique dans ce bref roman qui se passe dans un village et illustre entre autres les thèmes de la ruralité et de la rupture avec la terre natale.

 Car de quoi s’agit-il au juste ? Pour obtenir leurs passeports des autorités locales corrompues, le meunier Windisch, sa femme et sa fille Amélie, doivent consentir à bien des sacrifices extorqués par le maire, le policier et le curé — que la 4e de couverture présente comme « milicien » et « pasteur ». Le meunier paie en argent roumain et, à plusieurs reprises en farine, deux sacs qu’il charge sur son vélo. Sa fille achète plus douloureusement sa liberté en payant de sa personne auprès du policier et du curé. Comme autrefois sa mère pour survivre cinq ans durant dans un camp soviétique.

Mais ce qui pourrait être un lourd roman réaliste et anticommuniste relève ici de la légèreté d’un conte paré de touches fantastiques dans une écriture subtile et presque minimaliste. Et tout cela déconcerte autant que le titre. Ne dirait-on pas comme un proverbe ? Est-ce référence à des contes populaires ? D’autre part, la construction du récit est originale puisque le roman est constitué de beaucoup de petits chapitres aux titres ordinaires : la potiche, l’ornière, le dahlia blanc, le pommier, la bergerie, etc…  qui réfèrent au monde rural et au quotidien. L’univers rural est émaillé de coq, porcs, moutons, papillon, mouche, sans compter le faisan bien sûr ! 

Un autre roman de Herta Müller porte un titre similaire : « Le renard était déjà le chasseur ». Il me semble que les contes de l’enfance peuvent inspirer certains passages. Grâce à Google, j’ai trouvé une ancienne chronique de Radio Canada qui propose une explication du titre. «… Dicton roumain qui reflète la double culture d’Herta Müller… En Allemagne le faisan évoque l’orgueil, la prétention ; en Roumanie au contraire c’est un oiseau en fuite et qui ne sait pas voler et va se cacher dans les broussailles. » Admettons. Pourtant je ne vois ni orgueil ni prétention chez Windisch, sa femme, sa fille. Au contraire. Et puis ils réussissent à obtenir leurs passeports, après d’autres villageois qui les ont précédés.   

On s’interroge plus encore sur la raison d’être des « événements » fantastiques ou surréalistes dont je prendrai juste deux exemples : « Un papillon passe devant le front du tailleur. Ses joues sont pâles. On dirait qu’il y a un rideau sous ses yeux. Le papillon traverse les joues du tailleur. Il baisse la tête. Le papillon ressort à l’arrière de son crâne, tout blanc et pas froissé du tout.»  Ou encore : « Là-haut dans le ciel, une bicyclette sort tranquillement des nuages gris. » À propos de nuages, Windisch, le meunier, porte un nom prédestiné ! Wind = le vent ! 

 

• Herta MÜLLER  -  L’homme est un grand faisan sur terre; Traduit de l’allemand par Nicole Bary. Folio, 2009, 123 pages

P.S. A lire : l'interview de la traductrice et éditrice Nicole Bary.

 

 • Pour un avis éclairé sur le dernier livre d'Herta Müller, "La bascule du souffle", voir le site "à sauts et à gambades".

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE ALLEMANDE, #LITTERATURE ROUMANIE
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